Haïti / Justice: Lettre ouverte à Federson Jalcin pour lui dire de rester debout
Âgé de 16 ans, il a été incarcéré pendant plus d’une année pour avoir mangé un plat de nourriture chez son voisin. Malgré tout, il doit rester debout la tête altière.
Federson, au nom de la fraternité qui est l’une de nos valeurs républicaines, je vous salue.
Mon compatriote, on a appris la nouvelle: cette nouvelle choquante; triste; révoltante… La nouvelle, de votre incarcération pendant plus d’une année qui a totalement bouleversé les esprits et déréglé des activités cérébrales de certains de vos compatriotes haïtiens au plus haut degré. Car une grande partie de la population n’arrive pas à croire que vous avez été jugé et condamné à plus d’une année de prison ferme, pour avoir mangé un plat de nourriture de votre voisin, dans un pays où la corruption, la dilapidation des fonds de l’État, l’évasion fiscale, le vol des biens d’autrui, le kidnapping, le banditisme… sont des valeurs très appréciables et prônées par certains dirigeants en Haïti.
Par ailleurs, on sait très bien que dans toutes les sociétés humaines – sauf ici en Haïti, certaines personnes ont le droit de voler – le vol est strictement interdit selon des jugements moraux et des codes de justices, parce qu’il viole la notion d’échange social.
Bref! Je ne vais pas vous dire que vous avez le droit de voler car le vol est interdit partout que vous soyez comme je viens de le mentionner ci-dessus. Mais un jugement strictement déontologique sur les règles morales et de justices liées à la notion de vol serait totalement erroné pour analyser votre acte et arriver à votre condamnation, parce que vous avez pris la nourriture d’un autre.
En effet, Vous avez pris ce dernier ce jour là, parce que vous avez été, certainement, impuissant face à votre instinct de survie qui est généralement incontrôlable face à des situations nécessitant une action rapide et efficace pour pouvoir assurer sa survie. L’utilité de votre acte pourrait bien justifier le fait que vous avez été faim et il a fallu que vous ayez eu satisfait ce besoin physiologique face auquel personne ne peut résister. Alors, un jugement conséquentialiste serait, à priorie, acceptable pour justifier l’utilité de votre acte dont je refuse de qualifier d’un vol consentit – permettez moi d’utiliser ce concept – car tout le monde est impuissant face aux besoins physiologique qui maintiennent l’existence humaine.
D’une manière insolite, à mon avis, vous avez été condamné dans le but de vous faire respecter les lois régissant la notion d’échange social dans cette société… Mais savez vous qu’il y a des hommes super puissants dans cette République inégale qui ont le droit de voler? Ça pourrait bien vous paraitre très étonnant, mais c’est une réalité de votre pays, mon frère. Vous êtes victime de ce qu’on appelle de l’injustice sociale, d’une inégalité devant la loi, qui fait que dans cette société la notion d’isonomie est totalement absente, puisque tout le monde n’est pas soumis aux mêmes lois. Car certains hauts fonctionnaires de l’État haïtien, des dirigeants de certaines entreprises et de multinationales sont immunisés contre les lois de la République.
Malheureusement, je dois vous rappeler que ce sont ces évadés fiscaux, ces dilapidateurs des fonds de l’État, ces corrompus et corrupteurs… qui ont créés les lois qu’ils ont utilisés pour vous condamner à plus d’une année de prison ferme pour avoir mangé la nourriture de votre voisin parce que l’État ne vous avait pas accompagné.
Federson, vous devez savoir que vous avez été condamné parce que dans votre pays le vol est strictement interdit à certains marginaux qui vivent, avec toute sorte de marginalité, dans les quartiers défavorisés. Ici, le vol est strictement interdit à ceux qui n’ont aucune utilité pour ces protégés de la justice haïtienne, cette même justice qui vous a été séquestré à l’intérieure des murailles conçus uniquement pour les gens comme vous, les oublié de la rue et ceux des quartiers démunis qui sont transformés certaines fois en cité de la mort par ces cyniques qui vous ont été condamné. Mais pour ces bandits légaux qui ont dilapidés les 4.2 milliards de dollars du Fond PetroCaribe, plusieurs milliards de dollars du CIRH, des milliards de gourdes du trésor publique… le vol est un acte très noble, légitimé par la complicité de nos parents, de nos frères et sœurs zombifiés par un système éducatif contrôlé par des corrupteurs et servit par certains corrompus du système. Laissez moi vous rappeler que dans votre pays on ne condamne pas les dirigeants corrompus, ces malfrats qui créent des bandits presque partout dans le pays à des fins politiques. Sachez que ce sont eux qui distribuent les armes dans les quartiers pauvres, ce sont eux qui détournent les fonds de l’État, alors qu’aucun d’entre eux n’a jamais été interpellé par cette justice qui vous a été condamné. C’est révoltant!
Alors armez votre constance! Ne vous détournez pas vers le banditisme en vue de votre vengeance, car ils vous accuseront de déviant en oubliant leur acte d’injustice qu’ils vous ont fait subir. Optez, de préférence, pour votre réintégration sociale, vous en avez encore le droit. Pour ce faire, vous devez de demander à l’État de vous accompagner à travers le Caisse d’Assistance Sociale (CAS) ou à travers le Fond d’Assistance Economique et Sociale (FAES) qui sont des fonds de l’État qui devaient vous assister et vous épargner de votre situation sociale irrégulière que vous connaissez aujourd’hui.
Dans le but que cette correspondance arrive jusqu’à vous, Federson Jalcin, mon frère, je vous souhaite, au nom de tous les compatriotes qui sont indignés par rapport à votre situation, de rester debout la tête altière, et veuillez agréer mes salutations fraternelles.
Enock OCCILIEN
enock00007@gmail.com