ENVIRONNEMENT

Un espoir mêlé d’incertitudes pour le site de décharge de Mouchinette à Limonade

Confrontée à des défis environnementaux persistants, la ville du Cap-Haïtien aspire à un souffle nouveau. Le projet de construction d’un centre intégré de gestion des déchets solides à Mouchinette, à Limonade, soutenu financièrement par la Banque Interaméricaine de Développement (BID), progresse lentement. Cette démarche, couvrant trois communes, a pour ambition de transformer la gestion des ordures et d’introduire un modèle novateur de valorisation des déchets en Haïti.

Le Cap-Haïtien, jadis surnommée la ville historique et touristique d’Haïti, a récemment été le témoin de défis environnementaux croissants. Les pluies diluviennes causant des inondations et la saleté omniprésente, accentuée par des montagnes de déchets obstruant canaux et rues, ont endommagé l’image de cette ville coloniale, deuxième plus grande du pays. À présent, un vaste projet, lancé depuis plus d’un an, nourrit l’espoir d’une solution pérenne à cette crise.

Le projet de développement d’un site de décharge intégré à Mouchinette, dans la commune de Limonade, progresse lentement. Ce centre intégré de gestion des déchets solides, financé à hauteur de 34,5 millions de dollars américains par la Banque Interaméricaine de Développement, est pour les habitants du Cap-Haïtien et des communes voisines, une source d’espoir.

Patrick Almonor, maire adjoint de Cap-Haïtien et actuel président de la Société Anonyme Mixte (SAM), chargé de la mise en œuvre du projet, affirme que ce site temporaire permettra de stocker et de traiter les déchets en attendant la réalisation du projet global. Il explique que bien que le projet ait d’abord été conçu exclusivement pour le Cap-Haïtien, le site de Mouchinette a fini par s’imposer, faute d’espace disponible dans la ville.

Le site de Mouchinette ne bénéficiera pas seulement à la ville du Cap-Haïtien. Il servira également les communes de Quartier-Morin et de Limonade, consolidant ainsi la coopération entre ces trois localités de l’arrondissement. La Société Anonyme Mixte (SAM), acteur central de ce projet, est une entité regroupant la société civile et l’État, représenté par les mairies des communes concernées ainsi que la Chambre de Commerce et d’Industrie du Nord.

Steve Mathieu, président de la Chambre de Commerce et d’Industrie du Nord, considère ce projet comme bien plus qu’un simple site d’enfouissement. « Il s’agit d’une approche intégrée englobant la gestion des ressources humaines, matérielles et environnementales de la région. Ce partenariat entre le secteur privé, la société civile et les autorités locales vise à transformer l’environnement de la Cité christophienne et de l’ensemble du département », a-t-il déclaré.

Joaneson Lacour, directeur exécutif de la SAM, a mis en avant l’aspect innovant du projet. Le site vise à recycler toutes sortes de déchets, qu’ils soient plastiques ou ménagers, afin de les transformer en produits à forte valeur ajoutée. Les matériaux non recyclables seront enfouis selon les normes environnementales en vigueur. Avec une étendue totale de 40 hectares, seule une parcelle d’un hectare sera utilisée au lancement, offrant une capacité de stockage initiale de 10 000 à 15 000 mètres cubes de déchets. Le démarrage des opérations d’enfouissement est prévu pour ce mois.

Parallèlement, les responsables de l’usine de recyclage de matières plastiques située à Caracol, Le Nettoyeur LN Recycling, qui est l’unique entreprise de ce type dans le grand Nord, nous ont indiqué qu’un des principaux enjeux de l’insalubrité à Cap-Haïtien réside considérablement dans les déchets solides, notamment les matières plastiques qui encombrent les rues et obstruent les canalisations. Chaque jour, des milliers de bouteilles en plastique finissent dans les rues et en mer, et les enterrer n’est pas une solution optimale. Il est impératif et prioritaire de les collecter et de les recycler.

Dans cette perspective, nous avons appris, via le site de l’UTE, l’existence d’un appel d’offres international AOI-SP-GDSNH-003 financé par la Banque Mondiale / BID, pour le projet intitulé « Projet de Gestion des Déchets Solides dans le Nord d’Haïti – GDSH ». Cet appel, lancé en septembre 2024, sollicite les soumissions d’entités éligibles et qualifiées pour la récupération, la transformation et la vente de déchets solides recyclables comme le plastique, la ferraille et l’aluminium. La date limite de soumission des offres était fixée au 25 octobre 2024.

Cependant, cet élan d’espoir tant attendu par les habitants du Cap semble compromis. Actuellement, le processus de cet appel d’offres n’a pas progressé comme prévu, étant donné que le gagnant n’a pas encore été désigné. Cela suggère un éventuel blocage systématique au niveau des Passations des Marchés. Pourtant, il est indéniable que la ville de Cap-Haïtien est dans un état déplorable. L’aggravation de cette crise d’insalubrité représente une véritable bombe à retardement pour la région.

Aujourd’hui, Cap-Haïtien fait l’objet de promesses d’investissements venant de divers acteurs locaux et internationaux, dans l’espoir de transformer cette ville stratégique en un modèle de développement pour le pays. Cependant, malgré les engagements financiers et les nombreuses initiatives qui semblent se multiplier, il demeure extrêmement difficile de résoudre le problème crucial de l’insalubrité. Pourquoi, alors que les fonds sont disponibles et les volontés affichées, ce défi persiste-t-il ?

Gérard Maxineau

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