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Quelle place pour la voix haïtienne dans le tumulte international de 2025 ?

2024 a été une année plus qu’amère dans la bouche du peuple haïtien. L’année, marquée principalement par le triomphe de la coalition de groupes criminels dénommé “Vive Ansanm” un peu partout dans la capitale haïtienne, n’a pas manqué d’attirer l’attention de nombreux observateurs, tant la victoire de ce groupe terroriste symbolise les maux de tout un peuple.

Durant cette terrible année, le processus d’enfermement de la capitale haïtienne s’est achevé avec la fermeture de l’aéroport Toussaint Louverture, la principale infrastructure aéroportuaire du pays. Et Cela fut suivi par une avancée spectaculaire des criminels sur des bastions populaires importants, comme le quartier de Solino, l’un des plus emblématiques de la ville sur les plans populaire et politique. La perte de ce quartier par ses habitants, pour la plupart des membres de nos forces de l’ordre haïtiennes (soldats de l’Armée et policiers), représente une grande avancée pour ceux qui visent à faire sombrer des millions d’Haïtiens dans la pénombre la plus abjecte. Cela constitue également une défaite psychologique importante pour le peuple haïtien dans sa globalité.

Triomphe de la noirceur

Il faut savoir que le triomphe des bandits est surtout caractérisé par des heures terribles, sous forme de tueries de masse, de violences systémiques envers les femmes et les petites filles, de vols, de pillage et d’incendie des maisons des paisibles habitants. La logique étant : “On prend tout ce qui est prenable et on annule le reste par le feu.” Une formule violente et méchante, symbole d’une profonde haine.

Cette situation chaotique, partiellement décrite ici, ne saurait être à elle seule le résumé de cette année terrifiante. 2024 a été pour Haïti et ses 12 millions d’Haïtiens l’année des histoires macabres, autour d’un pays marqué par le sang versé.

Sur le plan politique

Cette situation catastrophique ne semble pas freiner le traditionnel jeu médiocre et criminel des politiciens haïtiens dans leur lutte pour le pouvoir. Comme si de rien n’était, ils oublient systématiquement la souffrance du peuple, coincé dans un petit bout de territoire au cœur du chaudron qu’est devenu la capitale haïtienne. Ils ignorent ce peuple du bas de la ville de Port-au-Prince, chassé de leurs habitations par la force criminelle, et aujourd’hui réuni dans la martyrisation.

Les mêmes scandales de corruption, passifs et actifs, continuent. La corruption est une pratique généralisée. Et le symbole du politicien haïtien qui accède à un poste au sein de l’administration publique avec le ventre vide, pille et ressort les mains libres, n’a jamais été aussi actuel. L’exemple des trois conseillers au sein de l’organe appelé Conseil Présidentiel de transition (CPT), constitué de neuf membres, dont sept ont droit de vote et qui mènent la barque du pays depuis des mois, le démontre parfaitement. Trois d’entre eux sont impliqués dans un scandale de corruption majeur, mais continuent de défiler fièrement devant la société, indifférents à la souffrance des Haïtiens. Ce comportement illustre bien l’insouciance d’une grande partie des dirigeants politiques haïtiens. Le chaos total qui avance à grands pas, ainsi que la montée en puissance des groupes criminels, ne les effraie nullement, car ils sont trop occupés à ramasser ce qui reste des ressources de l’État haïtien.

En somme  sur le plan politique, l’année 2024 a été marquée par la chasse du Premier ministre haïtien, Ariel Henry, au début de l’année. S’ensuivit l’installation inédite d’un conseil de transition constitué de neuf blocs politiques, avec un Premier ministre moins chef que le précédent, mais qui se croyait plus chef, lui aussi chassé quelques mois plus tard pour être remplacé par l’actuelle équipe qui tâtonne encore face au chaos. Et le drame haïtien continue sous les yeux d’un monde politique haïtien avide, insatiable, médiocre et même impuissant. Cela, même en prenant en compte le chiffre de cinq mille morts violentes évoqué par l’ONU, pour une population de 12 millions d’habitants, dans un pays qui, de manière officielle, n’est pas en guerre.

Sur le plan économique

Le pays fait face à d’énormes difficultés économiques. Haïti, dans l’incapacité d’obtenir des prêts importants en raison de son insolvabilité, reçoit très peu d’aide financière. Son économie, très peu productive, n’a cessé de se contracter depuis six ans. Dans une économie libérale, la stabilité politique et la sécurité sont des piliers majeurs, quasiment irremplaçables, qui peuvent favoriser la croissance et la distribution des richesses nécessaires à l’épanouissement de la société. Sans ces deux éléments, la possibilité de voir des chiffres désastreux sur le dos du pays est plus que probable. On constate d’ailleurs que 5,6 millions de personnes sont touchées par la famine en Haïti selon l’Onu.

Mon monde environnant

Le monde de 2024, marqué principalement par des guerres militaires et autres conflits majeurs, ne sera certainement pas celui de 2025. Des changements importants ont été opérés dans la communauté internationale sur le plan politique, des changements appelés à influencer, dans un sens ou dans l’autre, le cas haïtien. Le retour du président américain Donald Trump à la Maison Blanche annonce des changements considérables par rapport à la réalité du monde de l’an dernier. En somme, Haïti, dans la tourmente, devra compter avec l’idée du retour forcé de milliers d’Haïtiens (qui avaient un minimum de confort vital) sur son sol, en plus des risques que représentent les avancées des groupes criminels et l’inefficacité évidente de la communauté internationale, surtout marquée par l’échec cuisant de la mission multinationale de soutien à la police haïtienne (MMS).

Dans le monde qui s’annonce, fort bouleversé pour 2025, Haïti aura le grand besoin d’affirmer une voix pour confirmer son existence et son droit à la construction d’une paix juste pour l’épanouissement de ses filles et fils. Le pays ne peut absolument pas reproduire ses performances de 2024, sous peine de subir un anéantissement sévère.

Il est promis des élections au peuple haïtien depuis des années, afin de lui trouver des dirigeants « légitimes » pour le guider et satisfaire un minimum de ses besoins. 2025 s’inscrirait dans l’utile s’il pouvait être l’année où des milliers d’Haïtiens retrouveraient leurs paisibles demeures et où un minimum de pacification du territoire haïtien permettrait de circuler et d’avancer vers la réalisation d’élections justes, utiles pour la transformation et l’émancipation réelle de la société haïtienne.

Auteur : Moïse François

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