Salon du livre de Port-au-Prince: Quand la jeunesse veut elle peut
La deuxième édition du Salon du livre de Port-au-Prince a eu lieu le vendredi 13 décembre 2024 dans les locaux de l’Institut français en Haïti. L’objectif du salon, qui consiste à créer une voie unique et bénéfique pour les jeunes auteurs d’Haïti, a été atteint pour cette deuxième édition, selon ce qu’on pouvait observer à la sortie de l’événement.
Une noble initiative
Le Salon du livre de Port-au-Prince est l’initiative phare de l’organisation culturelle éponyme, un regroupement de jeunes universitaires cultivés, passionnés d’art pour l’essentiel, et très soucieux de fournir une meilleure image d’Haïti, bien au-delà de la mauvaise réputation d’un pays qui végète constamment dans le chaos.
Cette année, l’événement a été organisé en partenariat avec l’Institut français en Haïti, le Centre culturel Caraïbe et une multitude de regroupements juvéniles, à l’image du collectif des jeunes influenceurs. Cette activité contribue largement à projeter une meilleure image de la terre de Jean-Jacques Dessalines et de Toussaint Louverture, face au reste du monde.
Une programmation à la hauteur
Le Salon du livre de Port-au-Prince ne s’est pas contenté d’être juste un marché où l’on vend des livres. En parallèle, ce fut une véritable manifestation culturelle, où l’ensemble des genres littéraires ont eu droit à la parole. La journée a débuté par une causerie animée par l’immortel poète et écrivain haïtien Marc Exavier, qui a exprimé sa grande satisfaction par rapport à l’initiative au niveau de la capitale de son pays, au bord du chaos. Par ailleurs, il a souligné la nécessité pour un jeune de se trouver une passion dans la vie et d’y consacrer son énergie et son temps. “C’est le chemin le plus clair et le plus fiable pour atteindre la réussite.” Il a toutefois conseillé aux jeunes d’éviter les excès.
Un autre grand moment fort de la journée a été la performance XXL du jeune comédien Yves-Marie Gustave, véritable passionné de son métier, qui toucha l’âme du public par le biais d’une lecture scénique autour du texte du très célèbre Syto CAVÉ intitulé “Bra kase”. C’est aussi dans cette même rubrique de texte dit que nous pouvons citer la lumineuse performance de la jeune slameuse, Juvencia Bernard, bien connue sur les réseaux sociaux sous le nom de Lank-sansyèl, accompagnée du jeune poète et slameur MLM. La jeune chanteuse Nohémie ZAMOR a interprété des chants traditionnels et une prise de parole de quatre des jeunes auteurs parmi les auteurs participants, a mis fin à cette journée de célébration des livres.
Le contexte difficile
La journée du 13 décembre a débuté sous le cri des balles. Comme prévu, les forces obscures ont pris soin d’attaquer la ville dès le lever du jour, semant le doute dans le cœur du public et des acteurs du livre sur la possibilité d’organiser l’événement. Mais les enfants de lumière qui habitent encore Port-au-Prince de leur noble face ont quand même réussi à couronner cette journée d’un accent de triomphe pour la cause de la littérature. Ainsi, au lieu du désert prévu et souhaité par l’écho de la noirceur, la cour de l’Institut Français d’Haïti fut au contraire, bien remplie par le bruit d’une jeunesse assoiffée d’art et de célébration littéraire en tout genre. Sans aucun doute, la journée du 13 décembre laissera un goût de fête dans le cœur des participants.
Le pire a été évité de belle manière
Haïti, historiquement habitué aux périodes de troubles dues à des pratiques douteuses et honteuses de sa classe politique, traverse l’une des périodes les plus difficiles de son histoire. Haïti, à l’heure actuelle, est perçu par la communauté internationale comme une terre brûlée, bien enfouie sous le récit macabre d’une violence instaurée par des groupes de jeunes armés, sans foi ni loi. Un pays aussi où le mal, caractérisé par des crimes spectaculaires et de très lourds massacres, triomphe de manière répétitive.
C’est dans une atmosphère aussi délétère que s’est déroulée la deuxième édition du Salon du livre de Port-au-Prince. C’est une façon d’exprimer la résistance juvénile et d’avouer à cœur ouvert que le pays, bien que déchiré par ses drames et sa teinture aveugle, n’est pas que déchirement. Le pays est aussi un lieu de vie, où des initiatives pour nourrir les esprits peuvent prendre pied et forme, au-delà des obstacles.
Une jeunesse à pied d’œuvre
L’expression sur le visage des jeunes participants à la sortie de l’événement constitue un sérieux témoignage de l’importance de ce genre d’initiative.
“Ma participation au salon, c’est une première expérience pour moi, et ce fut extraordinaire. J’ai énormément appris des riches interventions qui ont eu lieu au salon. En somme, c’est une journée réussie, une journée que j’aimerais revivre”, a déclaré le jeune auteur Jean Wood Jude, plus connu sous le nom de Poète Silencieux, à propos de l’événement.
De son côté, Malaba Pitit Plim, jeune auteur et éditeur, a tenu à saluer poétiquement la richesse de cette journée : “Le Salon du Livre de Port-au-Prince est un événement qui attire de nombreux spectateurs et lecteurs, mettant en valeur la joie et le bonheur. Des sourires ont illuminé le visage de la journée pour saluer cette magnifique activité. Je ne vais pas cacher ma joie, d’avoir pu observer un sourire épanoui, dans l’appréciation de la beauté et des paroles des personnes qui ont atterri dans le salon.”
Par ailleurs, Jonathan BAPTISTIN, étudiant en sciences juridiques à la Faculté de Droit et des Sciences économiques (FDSE), qui était venu assister à l’événement, eut à prononcer ces propos : “Ce fut une grande première pour moi. Ce qui a attiré mon attention, c’est que j’ai vu un groupe de jeunes femmes et de jeunes hommes sans grandes ressources économiques, réussir à organiser une telle activité, non seulement cela, mais aussi les auteurs eux-mêmes sont des jeunes, comme par exemple Poète Silencieux. Je me suis senti concerné parce que dans mon entourage, ce sont souvent des armes que je vois dans les mains des jeunes.” L’ensemble de ces témoignages illustre à quel point l’événement a laissé des marques profondes dans le cœur des participants.
En somme, le Salon du livre de Port-au-Prince est l’incarnation de la vision d’une partie de la jeunesse haïtienne qui sait où elle va. L’initiative est jeune, et portée par des jeunes. C’est ce dont le pays a urgemment besoin en ce moment : une force juvénile unie derrière des causes nobles pour sa reconstruction dans tous les domaines.
Les jeunes sont majoritaires par ici, la force qu’ils symbolisent est évidente, et doit être prise en compte. C’est en ce sens que le salon représente un espoir et est d’une importance capitale. Car contrairement à l’image de la violence ou à celle d’une jeunesse passive, cette organisation juvénile incarne un contre-exemple, une autre voie inspirante, pouvant pousser la jeunesse haïtienne à emprunter le chemin de l’innovation et de la créativité. C’est vraiment une initiative à encourager jusqu’au bout.
Auteur : Moïse François