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Journée mondiale de lutte contre le Sida : Augmentation des risques au VIH dans un contexte de crise multidimensionnelle en Haïti

Depuis 1988, l’Organisation mondiale de la santé (OMS) consacre le 1er décembre à la lutte contre le VIH (virus de l’immunodéficience humaine), faisant de cette journée une occasion annuelle de sensibilisation sur la pandémie du VIH/SIDA, ainsi qu’un moment de commémoration pour les personnes infectées ou décédées des suites de cette maladie. Cette journée vise également à promouvoir les efforts de prévention, de traitement et de soutien aux personnes vivant avec le virus.

Le VIH est apparu dans les années 1960 et sa dangerosité a été confirmée dans les années 1980. Depuis, il reste une source majeure de discrimination, malgré les avancées scientifiques qui permettent une meilleure compréhension de la maladie. Cela n’a toutefois pas empêché le VIH de maintenir son caractère discriminatoire, ce qui entraîne souvent la violation des droits des personnes vivant avec le VIH (PVVIH).

Haïti face à l’expansion du VIH

Les chiffres concernant les personnes infectées par le VIH en Haïti sont alarmants. Selon le Dr Patrice Joseph, responsable des maladies infectieuses au Centre GHESKIO, les statistiques du ministère de la Santé publique et de la Population révèlent que quelques 145 000 personnes vivent avec le VIH dans le pays, soit une prévalence de 1,6 %. En outre, 1 500 décès ont été enregistrés entre septembre 2023 et septembre 2024, et 5 600 nouveaux cas ont été diagnostiqués.

En ce qui concerne les enfants et les jeunes, 6 540 enfants de moins de 15 ans sont infectés, mais seulement 49 % d’entre eux ont accès à un traitement antirétroviral. Parmi les adolescents de 10 à 19 ans, environ 5 000 sont infectés, et 12 000 jeunes de 15 à 24 ans vivent avec le VIH.

Haïti traverse une période particulièrement difficile marquée par une crise politique, sécuritaire et humanitaire qui touche plus durement certaines couches de la population, dont les PVVIH. Ces dernières subissent non seulement la violence des gangs, mais sont également confrontées à un manque d’accès aux médicaments nécessaires pour gérer leur maladie.

Le viol, une pratique courante des gangs

Le viol constitue un vecteur important de transmission du VIH en Haïti. Dans le contexte de la violence actuelle, de nouveaux cas de VIH seront probablement recensés. Les gangs armés commettent fréquemment des viols, souvent sans utiliser de préservatif, dans le but d’humilier leurs victimes. En octobre 2022, un rapport des Nations Unies a dénoncé le viol collectif par des gangs à Port-au-Prince comme une arme de guerre. Une étude menée en mai 2023 à Cité-Soleil, le plus grand bidonville de la capitale haïtienne, a révélé que 80 % des femmes et des filles interrogées avaient été victimes de violences basées sur le genre, des violences qui entraînent souvent des infections au VIH.

Une vulnérabilité accrue et la nécessité d’un soutien immédiat

Le Dr Patrice Joseph a qualifié de grand défi la situation des PVVIH vivant dans des zones à haut risque sécuritaire. Pour pallier cette difficulté, le Centre GHESKIO a déployé 15 centres communautaires, gérés par des infirmières formées sur place, avec des agents communautaires mobiles capables de livrer des médicaments directement aux patients si nécessaire.

L’interruption des traitements antirétroviraux expose les PVVIH à des risques graves, notamment le développement de souches résistantes du virus. Selon le Dr Patrice, un patient qui arrête son traitement pourrait non seulement voir son état se détériorer, mais aussi transmettre ces souches résistantes à ses partenaires. La crise sécuritaire en cours compromet les avancées faites dans la lutte contre le VIH en Haïti, où la prévalence chez les adultes est désormais de 1,6 %, contre 3,2 % dans les années 1990. Cependant, cette amélioration est fragile et risque de se voir annulée par la crise actuelle.

Violation des droits des PVVIH et importance de la prévention

En 2024, le VIH ne devrait plus être une cause de mortalité grâce aux traitements antirétroviraux qui permettent de rendre le virus indétectable dans le sang des personnes traitées. Cependant, dans un contexte de crise prolongée, l’accès aux soins se fait de plus en plus difficile privant ainsi les PVVIH de leurs droits fondamentaux, notamment leur droit à la santé.

Cette année, le 1er décembre est commémoré dans un contexte marqué par un manque de campagnes de prévention efficaces, surtout auprès des jeunes. Le Dr Patrice rappelle que la lutte contre le VIH repose sur deux piliers : le traitement des personnes infectées et la prévention de la transmission du virus. Il plaide pour une campagne de prévention intensive dans les écoles, les églises et à travers les médias afin de réduire la propagation de la maladie.

Dans toute situation de crise, la protection des plus vulnérables, notamment les PVVIH, doit rester une priorité. Refuser l’accès à un traitement antiviral à une personne vivant avec le VIH, c’est violer son droit à la santé. Un tel acte devrait être considéré comme un crime.

“Prenons le bon chemin : ma santé, mon droit !” C’est autour de ce thème que la journée mondiale 2024 de lutte contre le SIDA est célébrée.

Auteur: Moïse François

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