ACTUALITÉSÉDITORIAL

Bourgeoisie Corrompue : Le cancer silencieux d’Haïti

Haïti, symbole de liberté et d’émancipation en tant que première république noire indépendante du monde, traverse depuis des décennies une crise multidimensionnelle marquée par l’instabilité politique, l’effondrement économique, l’insécurité et la misère sociale. Si de nombreux facteurs externes, tels que l’ingérence internationale et les lourdes dettes imposées par les puissances coloniales, ont joué un rôle crucial dans l’affaiblissement du pays, un autre acteur interne mérite une attention particulière : la bourgeoisie haïtienne.

Cette classe, historiquement privilégiée, est accusée par de nombreux observateurs et citoyens lambda de contribuer activement à la décadence de la nation par ses pratiques corrompues, son accaparement des ressources, et son alliance stratégique avec des élites politiques malveillantes.

La bourgeoisie haïtienne est née des luttes de pouvoir qui ont suivi l’indépendance en 1804. Composée d’héritiers des élites coloniales, de commerçants prospères, et parfois de métis privilégiés, cette classe a toujours eu un rôle ambigu dans l’histoire nationale. Contrairement à une bourgeoisie qui pourrait jouer un rôle moteur dans le développement économique et social, celle d’Haïti a souvent cherché à maintenir ses privilèges en exploitant les masses populaires et en collaborant avec des intérêts étrangers.

L’éducation, les terres et le commerce extérieur sont longtemps restés sous le contrôle exclusif de cette minorité, creusant un fossé insurmontable entre les riches et les pauvres. Alors que la majorité des Haïtiens vivent dans une pauvreté abjecte, la bourgeoisie préfère investir dans des propriétés à l’étranger ou dans des écoles privées de luxe pour leurs enfants plutôt que de contribuer au renforcement des infrastructures ou du système éducatif national.

La bourgeoisie haïtienne est largement impliquée dans les systèmes de corruption qui gangrènent le pays. Par le biais de pots-de-vin, d’évasions fiscales et de connivences avec des gouvernements successifs, elle s’assure que les lois et régulations servent ses intérêts financiers. L’économie haïtienne, dominée par des monopoles familiaux, est ainsi configurée pour maximiser les profits d’une poignée de personnes au détriment de la grande majorité.

Les entreprises appartenant à cette classe contrôlent des secteurs stratégiques tels que l’importation de biens essentiels (riz, sucre, ciment, fer … ), ce qui leur permet de fixer des prix exorbitants. Pendant ce temps, l’État, affaibli par la collusion entre politiciens et hommes d’affaires, est incapable d’intervenir pour protéger les citoyens. Cette situation contribue à l’appauvrissement des masses et au sentiment de désespoir qui alimente l’instabilité sociale.

Un autre aspect de la responsabilité de la bourgeoisie haïtienne réside dans son alignement constant avec les intérêts étrangers. En échange de leur enrichissement personnel, de nombreux membres de cette classe ont accepté de jouer le rôle de relais pour les puissances impérialistes qui exploitent les ressources naturelles du pays ou imposent des programmes économiques néfastes.

Des accords commerciaux désavantageux, des prêts internationaux aux conditions ruineuses, et des politiques économiques dictées par des institutions comme le Fonds Monétaire International (FMI) ont tous été facilités par une bourgeoisie davantage préoccupée par ses propres profits que par l’intérêt collectif.

Contrairement à d’autres pays où une bourgeoisie éclairée a parfois joué un rôle moteur dans la construction nationale, celle d’Haïti est fréquemment perçue comme égoïste et déconnectée des réalités locales. Elle a échoué à investir dans des projets durables capables de renforcer l’économie du pays, comme l’agriculture ou l’industrie locale, préférant importer des produits étrangers qui détruisent la production nationale.

De plus, son mépris pour la classe ouvrière et les paysans qui forment l’épine dorsale de la société haïtienne aggrave les tensions sociales et empêche toute dynamique de solidarité nationale.

La mainmise de la bourgeoisie corrompue sur les ressources économiques et politiques a créé un cercle vicieux où pauvreté, instabilité et insécurité se renforcent mutuellement. Ce système favorise l’émigration massive des jeunes talents et contribue à la désintégration des institutions publiques.

En fin de compte, la bourgeoisie haïtienne porte une lourde responsabilité dans la décadence du pays. Son rôle dans la perpétuation des inégalités, la corruption et l’exploitation économique en fait un obstacle majeur à tout effort de reconstruction.

Pour que Haïti puisse sortir de cette impasse, une profonde remise en question du rôle de la bourgeoisie est indispensable. Cela nécessite une lutte collective pour rétablir un État de droit, réduire les inégalités, et encourager une classe dirigeante responsable et soucieuse du bien commun. La mobilisation des masses populaires, l’éducation politique et la pression sur les élites pourraient amorcer une transformation durable.

Haïti ne pourra véritablement renaître que lorsque toutes ses classes sociales travailleront ensemble pour bâtir une société juste, équitable et prospère.

pascalfleuristil2018@gmail.com

Partagez ceci

Pascal Fleuristil

Je suis Pascal Fleuristil, originaire de l'Arcahaie. J'ai étudié la communication à l'ISNAC. Passionné du journalisme, j'intéresse à tous les sujets d'intérêt général.

Leave a Reply

Your email address will not be published. Required fields are marked *