ONU: António Guterres dénonce l’indifférence face au manque de financements pour la Mission Multinationale en Haïti
Le 16 septembre 2024, le secrétaire général de l’ONU, António Guterres, a lancé un appel urgent et poignant à la communauté internationale, dénonçant le manque de contributions financières pour soutenir la Mission Multinationale de Soutien à la Sécurité (MMSS) en Haïti. Dans une rare sortie publique marquée par l’indignation, Guterres a qualifié de “totalement inacceptable” l’inaction des donateurs, soulignant que cette mission, dirigée par le Kenya, vise à renforcer une Police Nationale Haïtienne (PNH) débordée par l’escalade de la violence des gangs.
Dans une interview accordée à l’AFP, Guterres n’a pas mâché ses mots, exprimant sa frustration quant à l’attitude des pays riches face à la crise haïtienne. “Quand il y a une guerre, on trouve de l’argent. Quand il faut sauver des banques, l’argent coule à flots. Mais pour Haïti, face à une détresse humanitaire immense, les financements manquent cruellement. C’est absolument inacceptable”, a-t-il déclaré. En effet, les fonds nécessaires pour déployer efficacement la MMSS, une mission essentielle pour stabiliser le pays, peinent à être mobilisés, mettant en péril la sécurité de millions d’Haïtiens.
Cette situation s’inscrit dans un contexte de chaos généralisé en Haïti, où les gangs armés contrôlent plus de 80 % du territoire de Port-au-Prince et d’autres régions Cléus. Les violences ont forcé des milliers de personnes à fuir leurs foyers, tandis que les infrastructures publiques, y compris les écoles et les hôpitaux, sont fermées, soit sous le contrôle des factions armées. La PNH, affaiblie par des années de sous-financement et de mauvaises conditions de travail, n’a ni les ressources ni les effectifs nécessaires pour endiguer cette vague de violence.
La MMSS, approuvée par le Conseil de sécurité des Nations unies en octobre 2023, représente une initiative cruciale pour tenter de ramener l’ordre en Haïti. Le Kenya a accepté de prendre la tête de cette mission, envoyant le premier contingent de policiers en juin 2024. Cependant, les contributions financières tardent à suivre, malgré l’urgence. Les États-Unis, par l’intermédiaire du secrétaire d’État Antony Blinken, avaient pourtant assuré leur soutien et avaient promis, lors d’une visite à Port-au-Prince début septembre 2024, de plaider pour davantage de financements lors de l’Assemblée générale de l’ONU. Blinken avait également laissé entendre que Washington envisageait de prolonger le mandat de la MMSS au-delà de son expiration en octobre prochain, tout en proposant de la transformer en une mission de maintien de la paix sous l’égide de l’ONU.
Cependant, malgré ces promesses, l’argent reste bloqué, et les forces kényanes sur le terrain manquent de l’équipement et du soutien nécessaires pour accomplir pleinement leur mission. António Guterres a souligné à plusieurs reprises la modicité relative des sommes requises par rapport aux besoins humanitaires dans d’autres crises internationales. “Nous ne demandons pas des milliards comme pour sauver des banques. C’est une somme relativement modeste, mais qui pourrait faire toute la différence pour des millions d’Haïtiens qui vivent dans une terreur constante”, a rappelé Guterres.
Alors que la situation en Haïti continue de se détériorer, le manque de financement pour la mission soulève des questions sur la volonté de la communauté internationale de s’engager sérieusement à résoudre cette crise. Le secrétaire général a évoqué la responsabilité morale des donateurs, notamment des pays les plus riches, qui, selon lui, ont les moyens de répondre rapidement à l’appel de fonds. Cependant, il a aussi noté que la situation haïtienne ne semble pas susciter autant d’attention médiatique ou politique que d’autres crises internationales, ce qui contribue à cet immobilisme.
Face à l’urgence, plusieurs acteurs régionaux ont décidé de prendre les devants. La Jamaïque est devenue le deuxième pays à rejoindre la mission après le Kenya, avec l’envoi d’une vingtaine de soldats et d’officiers de police en Haïti la semaine dernière. Deux officiers de haut rang du Belize ont également été déployés pour soutenir les opérations sur le terrain. Néanmoins, ces efforts isolés restent insuffisants face à l’ampleur de la tâche, qui nécessite un soutien financier massif, du matériel et du personnel pour renforcer durablement la MMSS.
En dépit de ces efforts, la situation reste extrêmement précaire. La spirale de violence continue d’emporter la population haïtienne dans une souffrance sans fin, exacerbée par l’inaction des puissances internationales. António Guterres a réitéré son appel à la solidarité mondiale et au soutien concret des donateurs, soulignant que le futur de millions de vies dépendait d’une réponse rapide. “Nous devons agir maintenant”, a-t-il martelé, appelant les États membres de l’ONU à respecter leurs engagements et à faire preuve de responsabilité envers un pays plongé dans l’abîme.
Alors que l’Assemblée générale de l’ONU approche, la question du financement de la MMSS, ainsi que de la possible transformation de cette mission en une opération de maintien de la paix traditionnelle, sera au cœur des discussions. Haïti, déjà frappée par des années de crises politiques, économiques et naturelles, ne peut plus attendre. Guterres l’a dit clairement : c’est un moment critique pour la communauté internationale de prouver sa capacité à répondre aux crises, non pas en paroles, mais par des actions concrètes et un soutien tangible.
La question reste de savoir si le monde entendra l’appel désespéré d’Haïti avant qu’il ne soit trop tard.
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