Haïti : Les accusés de corruption préfèrent les médias à la justice
En Haïti, une pratique troublante s’est installée parmi les anciens hauts responsables et les nouveaux cadres de la fonction publique indexés dans des affaires de corruption. Plutôt que de se présenter devant la justice pour répondre aux accusations, ils préfèrent s’adresser aux médias, cherchant à se blanchir aux yeux du public. Cette tendance inquiète et soulève des questions fondamentales sur l’état de la gouvernance et de l’intégrité des institutions haïtiennes.
Dans un contexte où la corruption gangrène les structures étatiques haïtiennes, les récents rapports de l’Unité de Lutte Contre la Corruption (ULCC) dressent un tableau sombre. Ils montrent clairement une tendance alarmante : les accusés de corruption, souvent des anciens hauts fonctionnaires ou des cadres influents, choisissent de mener leur bataille dans l’arène médiatique plutôt que devant les tribunaux compétents. Cette pratique consiste à occuper l’espace médiatique en accordant des interviews, en organisant des conférences de presse ou en participant à des émissions pour clamer leur innocence. Ils exploitent les médias comme des plateformes de légitimation, espérant transformer l’opinion publique en juge de leur cause. Cependant, cette stratégie semble davantage destinée à manipuler l’image publique et à éroder la perception de leur culpabilité que de répondre aux accusations formelles et à rendre des comptes devant la justice.
Le recours systématique à cette pratique soulève plusieurs préoccupations. D’une part, il illustre la méfiance croissante envers le système judiciaire haïtien, perçu comme corrompu et inéquitable. D’autre part, il met en lumière le rôle des médias dans ce processus, souvent réduits à des canaux de justification et de défense plutôt qu’à leurs missions principales d’information, de formation, et de divertissement. En conséquence, la population est confrontée à un brouillage des lignes entre l’information factuelle et la propagande, alimentant la confusion et minant davantage la confiance dans les institutions. Cette dynamique soulève des questions cruciales : pourquoi ces accusés, s’ils sont réellement innocents, ne choisissent-ils pas de confronter leurs détracteurs dans l’arène judiciaire ? Pourquoi préfèrent-ils l’opinion publique à la loi ?
La persistance de ce phénomène démontre l’urgence d’une réforme en profondeur du système judiciaire et médiatique haïtien. Tant que les médias continueront d’être utilisés comme des tribunaux de fortune, la justice véritable demeurera hors de portée, et les véritables questions de gouvernance et de transparence resteront sans réponse. Pour Haïti, l’heure est venue de redéfinir les rôles et les responsabilités de ses institutions pour que la vérité et la justice reprennent leur place légitime.
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