Haïti rappelle tout son personnel diplomatique au Suriname soupçonné de connivence avec un réseau de traite humaine.
Dans un tournant majeur de la lutte contre la migration clandestine, le gouvernement haïtien a récemment pris des mesures drastiques pour démanteler un réseau de traite humaine passant par le Suriname. Ce petit pays néerlandophone de la côte Nord-Est de l’Amérique devient une étape cruciale pour les Haïtiens fuyant la violence gangrénant leur pays. Face à des soupçons de complicité au sein de sa représentation diplomatique, Haïti a rappelé l’ensemble de ses diplomates du Consulat au Suriname, ne laissant sur place qu’un seul représentant, et a licencié les 12 employés locaux du Consulat. Cette décision a été motivée par des alertes émises par les autorités françaises, inquiètes de voir le Suriname devenir un carrefour pour les migrants haïtiens cherchant à atteindre le territoire français.
Tout a commencé lorsque des responsables français ont signalé l’afflux soudain de demandeurs d’asile haïtiens en Guyane française, arrivant via le Suriname. Une enquête interne menée par la ministre haïtienne des Affaires étrangères, Dominique Dupuy, a révélé un système bien orchestré de trafic d’êtres humains, impliquant des vols charters depuis Port-au-Prince à destination de Paramaribo, capitale du Suriname, peut-on lire dans un article du Miami Herald.
Ces vols, dont l’un a été confirmé le 10 juillet dernier, étaient organisés par une agence de voyage haïtienne, SAYA, en collaboration avec la compagnie aérienne Fly All Ways basée au Suriname. Les migrants, après avoir déboursé plus de 4 000 dollars, se retrouvaient dans un véritable périple vers la Guyane française, souvent en traversant une rivière ou en se dirigeant vers le Brésil, d’où ils entreprenaient un dangereux voyage de plusieurs milliers de kilomètres pour tenter de rejoindre les États-Unis.
L’enquête a également révélé des pratiques particulièrement odieuses, notamment l’implication de mineurs transportés avec de faux documents délivrés par l’agence haïtienne de protection de l’enfance. Ces enfants étaient ainsi présentés comme des mineurs non accompagnés censés être réunis avec des familles au Suriname. Un tel réseau, impliquant à la fois des acteurs haïtiens et surinamiens, ne pouvait opérer sans une complicité de grande ampleur, allant potentiellement des services diplomatiques aux autorités aériennes haïtiennes.
Cette affaire survient alors que les États-Unis et la France intensifient leurs efforts pour endiguer les flux migratoires illégaux à travers les pays tiers. L’administration Biden a déjà pris des mesures contre les vols charters en provenance d’Haïti vers le Nicaragua, un autre point de passage stratégique pour les migrants haïtiens. Cette répression a conduit à la suspension des vols depuis Haïti, alors que des milliers de migrants avaient déjà rejoint l’Amérique Centrale.
L’administration américaine n’a pas hésité à sanctionner des entités liées à ces opérations, et des mesures similaires pourraient être envisagées contre les compagnies aériennes impliquées dans le trafic via le Suriname. Les révélations récentes sur ce nouveau corridor migratoire renforcent la nécessité d’une coopération internationale pour lutter contre la traite des êtres humains.
Face à cette situation, Haïti se retrouve confrontée à ses propres démons, à savoir la corruption et la complicité au sein de ses institutions. Les actions entreprises par le Gouvernement haïtien pour rétablir l’intégrité de sa diplomatie au Suriname sont un premier pas important. Cependant, la lutte contre la migration clandestine et la traite humaine nécessite une vigilance constante et une collaboration étroite entre les nations concernées. La situation des migrants haïtiens, vulnérables et souvent exploités, appelle à une réponse humanitaire urgente, tout en mettant en lumière les défis globaux posés par la migration forcée.
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