Faut-il espérer un leadership responsable de Jovenel Moise pour tacler les défis permanents de son mandat et protéger la population du coronavirus avec son nouveau gouvernement en place?
Le président Jovenel Moïse a longtemps rejeté en grande partie son incapacité à gérer l’instabilité politique, les troubles sociaux et le marasme économique voire même son instabilité à mettre sur pied un gouvernement sur le dos du Parlement et de l’opposition dite radicale. Son empressement sur Twitter à se prononcer sur l’état dysfonctionnel du Parlement en dit long sur son animosité envers une institution qui, dans la culture politique démocratique traduite dans la Constitution de 1987, est non seulement co-dépositaire de la souveraineté nationale, mais se trouve également chargée de contrôler l’action de l’Exécutif. “Ce lundi 13 janvier 2020, ramène la fin de la 50ème législature. Nous constatons la caducité du Parlement et nous prenons acte de ce vide institutionnel occasionné par le départ de la chambre des députés et des 2/3 du Sénat”. Ce vide institutionnel ainsi qu’une baisse de régime de l’opposition radicale laissent le champ libre au président pour gouverner par décret et manoeuvrer avec moins de pression un momentum politique qui lui est désormais très favorable.
Un nouveau gouvernement mieux placé pour donner des résultats?
Une chose pourtant est d’être en mesure de nommer un gouvernement sans avoir à naviguer les écueils du Parlement, une autre est de gouverner tout court et d’espérer enfin pouvoir donner quelques brins de résultats. Si les adversaires politiques du président, au fil des confrontations politiques incessantes sur le béton ont perdu beaucoup de plumes , les défis pourtant qui ont toujours jalonné son mandat et sur lesquels il continue de buter restent de taille au début d’une année 2020 porteuse de problèmes nouveaux . Aux défis jusqu’ici mal gérés de l’insécurité, du kidnapping, de la décroissance, se sont greffés d’autres problèmes comme la question du syndicat de la PNH et le fléau global du coronavirus. Une question reste pendante: le président saisira-t-il ce momentum pour mieux tacler tous ces défis ou se plaira-t-il à se conduire comme un autocrate ou un chef d’Etat au bout du compte inefficace?
En termes de réponse aux nombreux défis constants mentionnés plus haut, le président n’a pas encore engrangé réellement de notes positives . L’insécurité, le kidnapping continuent de semer le deuil, la panique, la peur au sein de la population qui ne sait plus à quels saints se vouer. En février dernier, le président était tout excité de présenter des blindés comme les nouveaux joujoux dont les forces de l’ordre allaient enfin s’en servir pour freiner l’insécurité et le kidnapping. Pourtant, le 29 février , au cours d’une opération au Village de Dieu en vue de traquer des bandits qui, aux dires de la population, ont transformé toutes les zones environnantes en une sorte de “ vallée de l’ombre de la mort”, les blindés ont subi des dommages inquiétants ( vitres brisées, pneus éventrés, etc) . Une très mauvaise première impression pour le président dont les blindés accusés d’être acquis à des coûts surfacturés puis exhibes avec autant d’autosatisfaction n’ont pas pu produire ipso facto l’effet escompté.
Le président Jovenel, après avoir nommé son premier ministre Joseph Joute et doté enfin le pays d’un gouvernement après environ un an sans parvenir à le faire, dispose à présent de toute la latitude pour répondre aux problèmes qui taraudent la population. Il lui sera très difficile de trouver des boucs émissaires en cas d’échec continu. D’ailleurs, il a déjà le plein soutien de la communauté internationale, spécialement des Etats-Unis qui reste le grand supporteur de son administration. Le premier ministre Joute et son cabinet ministériel, contrairement au gouvernement de facto de Jean Michel Lapin ou du gouvernement mort né de Fritz William Michel, a été épargné des hostilités du Parlement, de l’opposition plurielle ou même de la société civile.
Il ne reste au gouvernement donc qu’à démontrer qu’il peut réellement donner sans perdre du temps des résultats convaincants autour des 3 axes prioritaires énoncées par le premier ministre: le rétablissement du climat de sécurité, la relance de l’économie, et la reduction des inegalites. Le président Jovenel Moïse a aussi à sa disposition un Premier Ministre tout acquis à sa cause, le type de profil qui ne lui ferait pas de l’ombre, comme il les raffole. Le PM Joute n’avait-il pas déclaré que seules valent les idées et les injonctions du Président de la république et qui est-il pour contredire ce dernier? Le chef a parlé. Point barre. Les propos du PM paraissent excessifs dans sa soumission au président duquel, en l’absence des parlementaires, dépend uniquement sa survie politique, mais le fait que la Constitution place les pouvoirs entre les mains du président pour renvoyer le PM à sa guise oblige certains occupants de ce poste à une sorte de gymnastique qui les assimile beaucoup plus à un rôle de valet du président qu’un véritable chef de gouvernement. Que c’est triste d’être Ministre aussi sous Jovenel Moise, aurait pu s’écrier Pierre Raymond Dumas.
Le coronavirus: entre “l’impuissance de la puissance” et la “ politique de la faiblesse,” que peut faire Haïti?
La pandémie provoque une véritable panique dans le monde entier. Elle a déclaré la guerre à des puissances mondiales comme la Chine, l’Italie, la France, les Etats-Unis tout en s’étendant au reste du monde, notamment l’Afrique, l’Amérique latine et les Caraïbes. Les grandes puissances économiques et militaires, construisant leur suprématie sur la base de la politique de puissance “ power politics”, sont bouleversées par un ennemi de taille microscopique qui fait fi de leur arsenal militaire et nucléaire sophistiqué. Le coronavirus a révélé que les systèmes de soins ou de santé de certains pays maitres du monde possèdent d’incroyables défaillances en matière de capacité à servir leur population. Le schémas classique axé sur l’exploitation des plus faibles, la quête outrancière du profit et la domination militaire se révèle inadéquat dans cette guerre mondiale que les nations inégales du monde sont appelées à livrer contre ce virus qui menace l’humanité entière. Le COVID-19 est-il un exemple clair que nous sommes désormais, comme le souligne Bertrand Badie à l’ère de “ l’impuissance de la puissance” ou du “ weakness politics” ?
Si des puissances trébuchent face au coronavirus, Haïti certainement comme Etat faible parmi les faibles et extremement vulnérable, est a priori exponentiellement exposé face à une telle pandémie. Dans un premier temps où aucun cas du COVID-19 n’était officiellement déclaré, le gouvernement avait pris la décision de fermer les ports et de bloquer tout vol vers Haïti et vice versa sauf les Etats-Unis qui pourtant avaient déjà enregistré de nombreux cas de coronavirus et de décès liés à la maladie. Une décision qui manque de fermeté et qui exprime la dépendance ou même un certain esprit de servitude par rapport à l’Oncle Sam.
Maintenant que deux cas de coronavirus sont confirmés dans le pays, le gouvernement a décrété une phase 2 de l’urgence sanitaire accompagnée d’une série de mesures y compris la fermeture de tous les ports et aéroports du pays. Aux yeux de la population, cette mesure radicale de prévention pour protéger la population devrait être prise plus tôt. Maintenant, les écoles, les universités, les factories sont déclarées fermées dès ce vendredi 20 mars. S’y ajoutent des mesures comme l’interdiction de rassemblement de plus de 10 personnes et couvre feu le soir.
Paradoxalement à un moment où l’opposition radicale s’est affaiblie, le Parlement absent et ou le chef de l’Etat se sentait en toute quiétude pour gouverner par décret, le coronavirus nous a précipite vers le moment le plus difficile, le plus inquiétant de la présidence de Jovenel Moise. Non seulement, il doit faire preuve d’un leadership insoupçonné et jusque-la jamais prouvé pour épargner au pays une tragédie sans bornes, mais c’est également le moment pour toute la nation d’exalter notre devise “ l’union fait la force” pour faire face à cet ennemi commun, invisible mais d’une puissance létale époustouflante. Maintenant que le COVID-19 est dans nos murs, toutes nos discordes doivent disparaître et la nation haïtienne se doit de rester debout pour survivre ensemble ce monstre invisible prêt à nous dévorer tous sans distinction aucune. Nous sommes un Etat faible certes, mais nous n’avons pas le droit de céder à l’impuissance et laisser le champ libre au coronavirus pour réaliser son oeuvre de destruction.
Joseph Wendy Alliance
Références: