Haïti-Économie : La prise de valeur de la gourde : effet de l’injection de la BRH ou arrêt momentané de la spéculation?
La Banque de la République d’Haïti a promis, le 21 août dernier, d’injecter 150 millions de dollars sur le marché des changes pour essayer de contenir la hausse du billet vert. Depuis lors, la monnaie américaine ne cesse de chuter.
Entretemps, des leaders politiques mènent une lutte acharnée contre les banques commerciales. De nombreuses manifestations sont organisées contre les banques, qui selon les protestataires sont responsables de la spéculation.
Une situation qui remet en doute l’effet de l’injection de la BRH. En tenant compte des fondamentaux économiques, plus d’un se demande si l’augmentation de l’offre du dollar a provoqué la dévalorisation du billet vert . D’autres s’interroge sur l’effet de la pression populaire sur la spéculation.
Dans une interview accordée à notre rédaction, le docteur en économie Patrick Junior SYLVAIN estime que ce ne sont pas les fondamentaux économiques qui déterminent le taux de change en Haïti. Les activités de change représentent les principales sources de revenus des banques commerciales haïtiennes. « Avec une augmentation de 3 gourdes sur un dollar, les banques peuvent gagner 9 millions de gourdes par jour s’ils vendent 3 millions de dollars » explique Dr Sylvain . Selon lui, la spéculation est bien réelle dans l’économie haïtienne.
Par ailleurs, le professeur en économie du développement ne nie pas que l’injection de la banque centrale à un impact direct sur le taux de change. « Une fois que la quantité du dollar augmente sur le marché des changes, sa valeur diminue. Mais après un certain temps, le dollar va repartir à la hausse », a-t-il fait savoir.
La dépréciation de la gourde, un problème complexe dans l’économie haïtienne
Au-delà des problèmes de la sous-production et de la spéculation, de nombreux autres s’ajoutent. À travers des prêts effectués à la Banque mondiale et au le Fonds monétaire international (FMI), l’État haïtien participe dans la dévalorisation de la monnaie nationale. Pour octroyer ces prêts de nombreuses restrictions sont faites. « La banque mondiale et le FMI à travers la division internationale du travail font obligation au pays de se spécialiser dans la sous-traitance et dans le tourisme. Ces deux secteurs ne peuvent pas satisfaire la demande de dollars dans l’économie » explique le professeur.
Serlon Dr Sylvain , la décision de payer les transferts en gourdes ne fait qu’aggraver la situation. Les autorités ont choisi de renforcer un oligopole. « Cette mesure rend le dollar de plus en plus rare, puisqu’il est rare, il prend de la valeur », explique-t’il.
Le taux de change n’est pas une maladie incurable
Depuis plusieurs années, le pays connaît des crises récurrentes tant sur le plan économique que politique. Les souffrances de la population sont intenables. Mais pour l’économiste Patrick Sylvain, on peut redresser la barre.
M. SYLVAIN propose des solutions à deux niveaux. Les gouvernements doivent investir dans la production nationale et mettre un terme à l’insécurité. La banque centrale doit agir pour casser la chaîne de la spéculation, poursuit l’économiste.
« D’abord toutes les transactions sur le territoire national doivent être effectuées en gourdes. Puis les banques commerciales doivent servir d’intermédiaires de la BRH dans les questions de change. À ce moment-là, la BRH aura un contrôle direct sur le marché des changes » a-t-il répondu.
La Banque centrale, dans une circulaire sortie la semaine dernière, a annoncé l’adoption de certaines mesures. Elle réclame des banques commerciales plus de transparence, sinon de lourdes sanctions peuvent être imposées, prévient la Banque de la République d’Haïti.
Wilberson BERGER