Ils sont grands dans la petitesse
Victime des bourreaux d’hier, d’aujourd’hui et, définitivement pas de demain, cela fait plus de deux siècles que tu souffres dans ta chaire, ô Haïti, mère de liberté.
Aujourd’hui tes bourreaux se sentent grands, assez grands pour continuer à t’intimider. Depuis ta liberté en 1804, ils ne t’ont jamais laissé du temps de te relever de ses atrocités. Ils provoquent toujours des crises pour que de temps en temps, comme des donneurs de leçons, ils puissent t’envoyer ses experts pour résoudre une crise dans une autre crise. À la vérité, ils ne sont pas plus grands comme ils le font croire. Pour le moment, tu es tout simplement agenoullée.
Tout en te gardant à genoux, de leur position de raciste, comme du temps de l’esclavage, ils te regardent par terre, et ils pensent qu’ils sont grands. Mais ils ne le sont pas. Ils sont tout simplement grands ces petits.
Et toi, de ta position agenoullée, fille rebelle que tu es, comme tu n’aimes pas adorer les idoles, les images taillées, donc chaque jour, tu fais des efforts monstres pour te relever, mais ils t’empêchent de se mettre debout.
Mais comment expliquer cette haine méchante de ces bourreaux? Pourquoi ils te forcent à rester aussi longtemps dans une position aussi inconfortable alors que, depuis après 1804, tu ne fais pas peur à personne?
Haïti est le pays qui, par ses luttes contre l’esclavage et grandes victoires contre l’armée expéditionnaire de Napoléon Bonaparte tout au début du 19e siècle, avait fasciné et surpris le monde.
N’empêche, les grandes puissances d’alors étaient hostiles à l’indépendance d’Haïti. Depuis lors, plus de deux cents ans après la grande épopée de Vertières, avec une ingérence à outrance dans les affaires politiques du pays, encore pour le malheur d’Haïti, cette hostilité continue. Ce qui crée des handicapes et problèmes de toutes sortes au développement de la première République noire.
Face à ce monopole, sans une Métropole comme du temps de l’esclavage, pour survivre, les combats au quotidien du peuple haïtien contre les inégalités économiques, politiques sociales imposés par une classe exploitante locale et internationale, interpellent toujours les gens avec de grandes sensibilités humaines, mais surtout les nationalistes.
Certes, depuis leur indépendance en 1804, ce pays demeure politiquement instable. Il est le pays le plus pauvre de l’hémisphère, selon des experts et donneurs de leçons de l’international qui, de leur côté, détiennent une part non négligeable de responsabilité dans cette instabilité.
Mais ce qui frappe davantage, c’est précisément : le fait que cette misère chronique soit considérée comme normale par les autorités et les gens de la classe possédante du pays. Le contraste entre ces gens aisés qui exhibent leurs richesses par leur train de vie, leurs maisons, leurs voitures de luxe, leurs tenues vestimentaires et leurs bijoux, et les autres qui vivent dans des bidonvilles déshumanisés où, le plus souvent, meurent de faim, ne peut laisser personne indifférent.
En effet, que ce soient après 1804 où l’international n’avait pas reconnue l’indépendance du pays, les turbulences politiques de plus de deux siècles, il y a un gros complot des grandes puissances qui pèse sur Haïti. Ainsi, tourmentée par cette grande indifférence internationale qui continue à traiter le pays comme leur arrière-cour, mais d’une façon très complice avec leurs alliés qui sont comme de mauvaises herbes sauvages et des immondices de toutes sortes dans un terrain abandonné, le peuple haïtien n’a qu’une option : lutter pour sa survie politique, économique et sociale contre ces malfrats dont l’odeur donne envie de vomir.
Il suffit à un étranger d’atterrir à l’aéroport International Toussaint Louverture de Maïs Gâté à Port-au-Prince (dans les zones de Delmas et Tabarre) et d’effectuer une visite dans d’autres villes du pays pour se rendre compte de l’état de délabrement avancé des infrastructures routières d’Haïti. Pour ceux qui vivent avec de grands moyens économiques dans des maisons luxueuses ou de grands hôtels avec des voitures confortables, même lorsqu’ils vivent une vie aisée, ils peuvent bien témoigner de la situation catastrophique et de la misère abjecte dans ce petit pays de la Caraïbe. Ils savent bien que plus de la moitié de la population vit dans l’extrême pauvreté. Le citoyen haïtien en particulier, aussi bien que l’étranger en général, quelques soient leurs statuts socio-économiques, ils n’ont pas besoin d’être des agronomes dans le champ de l’agriculture pour avoir une idée que le pays n’est plus essentiellement agricole.
Dans l’Haïti post 7 février 1986 où la transition démocratique, la société se trouve chaque jour confrontée à des problèmes d’insécurité, de chômage, d’électricité, de transport, du coût élevé de la vie, d’analphabétisme, de corruption, d’enrichissement illicite des dirigeants politiques et des élites économiques, de la dépréciation de la monnaie nationale (la gourde) par rapport au dollar américain, d’une montée effrénée des cas de kidnapping spectaculaires et de la prolifération des gangs armés dans tout le pays. Ouf ! La liste est longue.
De ce fait, l’objectif de ce texte est d’exposer aux lecteurs la profondeur des luttes politiques que mène le peuple haïtien surtout ceux des classes défavorisées contre une élite où leur haine et l’exploitation sous toutes ses formes faisaient loi dans ce petit pays des Caraïbes, mère de libertés des nègres.
Loin de toutes formes de fatalités, à travers des engagements au quotidien des progressistes pour dénoncer la plaie ou les problèmes haïtiens dans toutes ses dimensions, ce texte résume l’histoire déchirante, méchante aussi bien qu’une exploitation à outrance d’une oligarchie locale et internationale.
Si l’amour c’est protégé l’autre pour le rendre heureux, ceux qui avaient les possibilités de prouver leur amour pour Haïti le faisaient toujours très mal.
Tout en prenant position pour les classes défavorisées dans les quartiers populaires, le constant de ce texte soutient l’idée que Haïti se trouve dans cette misère tout simplement par ce qu’elle est mal aimée nationalement et internationalement. Les puissances colonialistes ne pardonnent jamais Haïti pour avoir, durant le début du dix-neuvième siècle, mis fin au joug de l’esclavage imposé par les puissances impérialistes de l’époque.
Quand ce ne sont pas des agents de la communauté internationale, du style OEA ou tout simplement « CORE GROUP » dans les résultats de fausses élections et affaire de corruption, il y a toujours de mauvais larrons de l’oligarchie locaux sur le chemin d’Haïti à chaque fois qu’elle tente de rompre avec l’habitude d’exploitation. Et le pire, ces malfrats, ils trouvent toujours une bénédiction démesurée aux yeux des blancs racistes et rapaces de l’international. C’est comme dans les animaux malades de la peste de Jean Lafontaine. Selon que vous soyez puissants ou misérables, les jugements de cour vous rendront blancs ou noirs.
Rien que pour entraver l’espoir naissant, comme ils cherchaient à tuer dans l’œuf l’espérance qui était en train d’éclore après l’indépendance, il y a toujours sur les routes d’Haïti, des obstacles créés par des ennemis qui sont grands dans la petitesse. Oui, ils, sont grands ces petits.
Dans ce contexte, comme ils sont incapables de comprendre la petitesse des grandes choses, ainsi, ils ne sont pas en mesure de cerner la grandeur des petites ainsi que des grandes choses chez un peuple libre, berceau de liberté et de renaissance d’aspiration et de conviction des hommes noirs dans le monde.
Prof. Esau Jean-Baptiste
Image: caricature de Le Nouvelliste pour illustration