Opinions

Comprendre l’incompréhensible

Tout en essayant de comprendre l’incompréhensible, ce texte cherche à percer le mystère de ce grand professeur d’histoire et de science politique qui avait tellement de choses à offrir au pays, mais malheureusement était empêché. Ses discours avaient été, dans bien des cas, tronqués, mal interprétés ou incompris. Il est sans doute le plus incompris des dirigeants de la classe politique post Jean-Claude Duvalier. “Fin historien, grand orateur à la verve séduisante et contagieuse, cet homme politique intransigeant et rigoureux dans ses réflexions et prises de position aura marqué pendant des siècles la production intellectuelle d’Haïti’’ écrit Dieulermesson Petit Frere (1).

Toujours dans le même texte: Il était une fois Leslie François Manigat, Dieulermesson Petit Frere décrit le premier président post Duvalier comme “un monument de l’intelligentsia haïtienne. Point n’est besoin de chercher midi à quatorze heures pour reconnaître son poids dans la galerie des penseurs des XXe et XXIe siècles haïtiens. Difficile de lui coller des épithètes pour le qualifier ou le décorer. À lui seul, il représente toute une encyclopédie. Une bibliothèque ambulante. Un monstre de la pensée historique et critique, une somme de savoirs. Un érudit authentique. Une plume intrépide. Enfin, et ce n’est pas tout, un fin analyste politique et un modèle d’excellence”. (2)

Mais pourquoi, un homme de la trempe de Leslie Manigat, avec toutes ses connaissances en relations internationales avait passé seulement quatre mois au pouvoir? Pendant que des nuls ont, non seulement tout le support de l’international pour terminer leur mandat de cinq ans, mais permettre à leur poulain aussi incompétent de continuer dans le mal.

Pourquoi était-il incompris lors des élections présidentielles de 2006, alors qu’il avait un discours et programme politique tout à fait différent des autres candidats?

Bref, comme de nombreux exilés politiques qui étaient forcés de quitter Haïti sous le règne des Duvalier, une fois retourné au pays après le 7 février 1986, le professeur s’était rapidement lancé à la conquête du Palais national.

C’est ainsi, lors de l’élection très contestée du 17 janvier 1988, grâce au support des forces armées, Leslie Manigat était devenu le premier président élu d’Haïti de l’après Jean-Claude. Mais il était mal compris dans tout le pays.

Puisque, au matin du 7 février 1988, c’était dans presque l’indifférence totale que le professeur Lesly François Manigat avait prêté serment comme le président élu devant un parlement que le peuple et une frange de la communauté internationale avaient considéré, comme lui, illégitime. ‘’La fin justifie les moyens’’. Mais que pouvait-on espérer quand le professeur était arrivé au pouvoir comme dans le cas des élections illégitimes du 17 janvier 1988 ? Les moyens paraissaient vraiment limités et incapables à se justifier surtout dans une Haïti ou les militaires, reprenaient gout au pouvoir, ne voulaient pas retourner dans leurs casernes et enfin remettre le pouvoir à un gouvernement civil, issu des élections, conformément aux normes constitutionnelles.

Pour commencer, le professeur n’avait pas trop de moyens. Il était très coincé. Dès le tout début, la gestion du pouvoir politique issu des élections du 17 janvier 1988 était en mal de démarrer. Le professeur était très compétent. Il savait ce qu’il faisait. Mais, deux choses handicapaient le gouvernement du professeur Manigat : la crédibilité des élections qui l’ont emmené au pouvoir et sa popularité sur le terrain. La légitimité des élections qui avaient conduit le leader du RDNP au pouvoir avait été questionnée non seulement par la classe politique haïtienne, mais aussi par une frange de la communauté internationale.

Questionnement qui, immédiatement, avait mis les nouveaux élus, que ce soient de l’exécutif et du législatif, en isolement ou sur le banc des accusés. Impopulaire nationalement et isolé par la communauté internationale, le professeur était arrivé au pouvoir dans un contexte très difficile. Comme sanction, les bailleurs de fonds ont été très timides au déblocage d’aide financière dont avait besoin le régime pour exécuter leurs programmes politiques.

Conscient de son pouvoir controversé, le professeur se débrouillait comme ‘’Mèt Jan Jak’’ pour rallier la classe politique, la population aussi bien que les bailleurs de fonds de la communauté internationale à sa cause. Chaque jour, par des actions concrètes dans l’administration publique, et ses relations avec les autres branches du pouvoir de l’État, il essayait d’envoyer des signaux positifs de la bonne gouvernance.

Mais le plus grand problème a surmonté était, comment maitriser une armée avec des militaires qui avaient repris goût au pouvoir, à la corruption, abus et violation au droit de la personne. Pour quelqu’un qui, pendant son jeune âge, était à l’école politique de papa Doc, le professeur savait pertinemment que son pouvoir n’allait pas pu se tenir si toutefois les militaires ne se sont pas complètement retournés dans leurs casernes.

En attendant de le faire, dans l’intervalle, président Manigat et son chef de gouvernement courtisaient l’élite de la classe politique qui, après les élections du 29 novembre 1987, avait fait bloc pour boycotter le scrutin qui l’avait emmené au pouvoir le 17 janvier 1988. Pour y parvenir, avec des techniciens dans des postes dont nécessitaient leurs expertises, le président et le Premier ministre montaient un gouvernement d’ouverture avec des cadres compétents en Haïti comme dans la diaspora.

Par ce moyen de faire, l’équipe gouvernementale, avec des ministres compétents venus d’horizons divers, mais surtout de tendances différentes, laissait entrevoir un air d’espoir pour le pays. À travers ses démarches, président Manigat essayait de réinventer l’exploit du président Dumarsais Estimé.

Pourquoi l’exemple d’Estimé

Comme professeur Manigat, président Estimé était arrivé au pouvoir dans un contexte très difficile. C’était dans l’indifférence totale qu’il avait prêté serment comme chef de l’ÉĖtat. ‘’Le 16 août 1946, après deux tours de scrutin avec une majorité de 31 voix sur 58, le député de Verrettes, Léon Dumarsais Estimé était élu président de la République d’Haïti pour un mandat de cinq ans’’. (3)

Mais si en 1946, Estimé avait trouvé la bonne formule pour gérer l’indifférence des autres, diriger le pays, jusqu’à même de réaliser de grands projets pour Haïti, cependant, en 1988, le gouvernement du professeur Lesly François Manigat et de Me Martial Célestin faisait face à une hostilité continue des dirigeants de la classe politique.

Si bien que, certains candidats aux élections présidentielles du 17 janvier avaient refusé de participer au gouvernement de coalition que voulait former le président Manigat et son Premier ministre Célestin. Car, le marronnage et les manoeuvres dilatoires sont des aspects particuliers du politicien haïtien. Comme tels, ils sont maitres dans l’art du boycottage et du sabotage.

Étant quelque chose de particulier de chez eux, donc officieusement, dans des réunions avec des amis, certains politiciens et chefs de partis politiques espéraient ou attendaient l’échec de l’administration de Manigat. Et déjà, ils se positionnaient comme étant les seuls alternatifs capables de retirer Haïti dans la crise socio-économique et aussi bien de la problématique d’instabilité.

Entre-temps, pour gagner la sympathie et la confiance de l’opinion publique, chaque week-end, à travers son programme ‘’Anba Tonèl’’, le président essayait tout pour pouvoir se rapprocher de la population qui lui était encore hostile.

Le week-end, il participait à des messes dominicales qu’organisaient les églises protestantes et catholiques. Il essayait de faire la cour à toutes les forces vives et institutionnelles du pays. Dans ses démarches et approches de sortie de crise, tout porte à croire que Manigat était, non seulement de bonne volonté, mais aussi sur la bonne voie.

À titre d’exemple : Je me rappelle, un dimanche matin, je descendais un taxi pour aller assister à la messe dominicale à la Première Église Baptiste de la rue de la réunion de Port-au-Prince, quand j’ai pu remarquer des militaires lourdement armés tout autour de la zone longeant la rentrée principale de l’église. Première chose qui m’était venue à l’idée : un coup d’État des militaires contre le gouvernement civil du professeur Manigat. Au fur et à mesure que j’avance, comme les militaires ne m’avaient pas empêché de continuer ma route en direction de la rentrée de l’église, donc j’ai pu constater que ce n’était pas un coup de force. Une fois à l’intérieur du sanctuaire, j’ai pu voir aux premières rangées que l’un des assistants était le premier citoyen du pays, le président de la République, le professeur Leslie Manigat.

Une autre fois, j’ai été invité par une amie à assister à un match spécial de volleyball aux Casernes Dessalines. Comme je l’ai jamais vu jouer, donc, cet après-midi-là, j’étais précipité pour aller assister à ce match. Arrivé à l’entrée de la garnison militaire, on m’avait posé un tas de questions dont j’étais incapable de répondre. Immédiatement, j’ai mentionné le nom d’un ami officier qui, comme moi, était un ancien élève du Lycée Alexandre Pétion. Ainsi, j’ai été fait accompagner au terrain de jeux par l’un de ses subalternes de la compagnie dont il avait la commande. Comme c’était l’inauguration d’un petit terrain de volleyball, pour cette cérémonie, il y avait une personnalité de marque. Le président et sa femme étaient présents en la circonstance.

En somme, mis à part des projets de loi soumis par l’exécutif au Parlement et beaucoup d’autres activités relatives à la gestion de l’État, le professeur bougeait lentement, mais surement dans la bonne direction. Malheureusement, au moment où, en termes de popularité, le professeur, dans ses ouvertures politiques sur le terrain, commençait à marquer des points là où il était très contesté, soudainement, on assistait donc à une crise aiguë dans la hiérarchie de l’armée ou le président devait, en tant que commandant en chef des Forces armées, prendre des mesures de redressement.

L’éclatement d’un conflit au sein de l’institution militaire opposant la haute hiérarchie du Grand Quartier Général au commandant des Casernes Dessalines, le colonel Jean-Claude Paul nécessitait l’intervention au plus haut niveau de l’armée. Pour résoudre le problème et affaiblit le puissant colonel de ses troupes, le haut commandant des Forces armées voulait muter l’officier supérieur à un autre poste au Grand Quartier Général. ‘’En ce matin du 14 juin 1988, je me trouvais au bureau du commandant de La Garde Présidentielle, le général Charles Louis, dont j’étais l’assistant en tant qu’inspecteur du département, quand se présenta le colonel Jean-Claude Paul, venu l’informer de son transfert au Grand Quartier Général. Mécontent de cette décision du commandement, il faisait valoir que le poste de G-2 auquel il venait d’être assigné ne lui convenait pas vu qu’il n’était pas un démocrate’’ (4).

Comme il était conseillé par le général Louis à accepter cette mutation, colonel Paul voulait, pendant qu’il était au Palais national, saluer le président Manigat, avec qui il parait avoir de très bonnes relations. Une fois sorti du bureau du président, toujours selon le général Avril, quelques minutes après, le colonel Paul était retourné au bureau du général Louis pour lui faire part d’une importante information concernant son transfert au Quartier Général. ‘’Mon Général ! le président n’était pas au courant de mon transfert ! C’est un coup fourré ! S’il doit en être ainsi, on peut dès maintenant me considérer comme un colonel rebelle ! » (5).

Déclaration qui faisait peur. Puisque colonel Paul était le commandant d’une puissante garnison de l’armée d’Haïti. De ce fait, dans l’idée de faire obstacle à tout mouvement du colonel, une fois autorisé par son chef supérieur, le général Carl-Michel Nicolas avait forcé le général Louis à prendre des mesures pour empêcher le colonel Paul à mobiliser ses troupes des Casernes Dessalines.

Quand bien même, le colonel Paul arrivait à défier la vigilance des sentinelles au portail du Palais national et a pu rejoindre ses troupes loyales des Casernes Dessalines et lui faire part du problème et des éventuelles décisions à prendre.

Comme une crise dans une autre, cette situation avait forcé le président Manigat en tant que commandant constitutionnellement des Forces Armées d’Haïti (FAd’H) à prendre dans les prochaines quarante-huit heures, particulièrement le vendredi 17 juin¸ des mesures de redressement dans l’institution militaire en faisant des transferts de postes et du même coup mettant en résidence surveillée le général Henri Namphy. ‘’De toute façon, le président de la République tranche. Du coup, les événements subirent une accélération’’ (6).

À cet effet, le vendredi 17 juin, ‘’un numéro extraordinaire du journal officiel publiait un arrêté présidentiel mettant à la retraite les généraux Henri Namphy, Carl-Michel Nicolas et Wilthan Lhérisson et désignant le colonel Morton Gousse, promu général de brigade, comme commandant en chef de l’armée par intérim. Le général Henri Namphy était déchu de ses fonctions. Les raisons avancées ; le commandant en chef aurait outrepassé ses droits en opérant, de son propre chef, des changements au sein du personnel militaire’’ (7).

Concrètement, ce changement opéré par le président ce week-end portait plus d’un à se questionner sur l’avenir d’un gouvernement comme celui de Manigat qui n’avait pas le support populaire aussi bien de celui de l’aile dure de la communauté internationale qui décide toujours du destin d’un président haïtien. Qu’est-ce qui poussait un président impopulaire comme celui-ci à prendre de telles mesures, se questionnaient les analystes politiques ?

Déjà, on parlait de rumeurs d’un éventuel coup de force pour le week-end. Mais compte tenu, apparemment, des liens d’amitié entre le président Manigat et le colonel Paul, commandant des Casernes Dessalines, vraisemblablement ce n’était pas possible. D’autant plus que, les raisons pour lesquelles le président avait tranché, et comment il l’avait fait, dès lors, il parait que le professeur était du côté de la force. Questions pour dire, vu ce que représentait une garnison militaire comme celle des Casernes Dessalines, donc sans leur approbation, il ne serait pas possible pour destituer le chef de l’État.

Partant de ce constat, avec le support du colonel Paul et de ses troupes, l’administration Manigat/Célestin était confortable pour continuer ses changements dans l’institution militaire qui était décriée et corrompue.

‘’Byen konte, mal kalkile.’’ Entre ce qui était et ce qui ne l’était pas, le week-end qui suit les décisions prises par le président Manigat, il régnait un climat de tension dans la capitale haïtienne. Et, ce qui devait arriver était arrivé. Les militaires avaient, dans la nuit du dimanche 19 et lundi 20 juin 1988, chambardé l’expérience démocratique du premier gouvernement civil de l’après-Duvalier. Comme président Manigat, aussi, étaient partis les députés et les sénateurs contestés de la 44e Législature.

Aux premières heures du coup d’État, des rumeurs couraient que les militaires des Casernes Dessalines qui supportaient le président étaient en rébellion contre la garnison du Palais national qui appuyait le général Namphy qui était en résidence surveillée. Mais les premières images retransmises par la télévision d’État tôt dans la matinée du lundi ont rapidement démenti les informations faisant croire à une éventuelle confrontation entre les gardes des Casernes Dessalines et ceux du Palais national.

Contrairement à ce que pensaient les analystes politiques sur un éventuel conflit entre ces deux régiments militaires, les images montraient des soldats et officiers de ces deux garnisons jubilant le départ de celui qui le 7 février 1988 était présenté par l’institution militaire comme un gouvernement civil capable de mener le pays vers un changement socioéconomique, élément indispensable pour une démocratie durable. Malheureusement, président Manigat était, de force, chassé du Palais national par ces mêmes militaires assoiffés de pouvoir politique.

Comme il était inauguré dans la nonchalance de la population, ainsi était parti dans l’indifférence totale, l’homme qu’on avait toujours présenté comme un ‘’scholar’’ dans la classe politique haïtienne. Ce lundi matin du 20 juin 1988 était un jour comme tout autre. Rien de plus spécial. Pendant que la télévision nationale projetait l’image des militaires des Casernes Dessalines et du Palais national dans leurs uniformes de combats, question de faire comprendre qu’il y avait une quelconque confrontation dans la nuit du dimanche 19 juin, le peuple, de son côté, vaquait comme d’habitude à leur train de vie quotidienne. ‘Jeneral la te mete-w, li retire-w, wa degage-w. Se men-m yo mem-m lan (il était arrivé au pouvoir à la faveur des élections frauduleuses des militaires. Ce sont encore ces mêmes militaires qui l‘ont forcé à partir. Qu’ils se débrouillent)’’, disait un jeune étudiant.

Tandis que d’un autre côté, les macoutes et duvaliéristes scandaient un discours différent : ‘’Aprè nou se nou (après nous c’est encore nous)’’. Voilà donc, le général Henri Namphy au pouvoir pour une seconde fois. Et le général n’avait même pas fini de faire son discours d’investiture, déjà on avait retrouvé des hommes de la classe politique traditionnelle qui commençaient à le courtiser. Question d’être encore plus proche du chef au cas où il y en aura une autre passation à travers d’autres élections frauduleuses comme celles du 17 janvier 1988.

Fin d’un rêve

Mais comment un intellectuel de la trempe du professeur Lesly Manigat qui connait l’histoire de la politique haïtienne avait pu s’associer aux mascarades électorales des militaires de Port-au-Prince ? Pensait-il qu’il allait réussir dans son programme politique et faire oublier comment il était arrivé au pouvoir ? Si toutefois il ne réussissait pas, en faisant choix de participer à cette mascarade électorale de janvier 1988, ne pensait-il pas qu’il allait compromettre sa chance à l’avenir de briguer d’autre fonction dans le pays. D’une percée louverturienne, le Louverturien a anéanti sa carrière dans un pays où il avait été mal compris.

Ce chef de parti de tendance démocrate-chrétien était un intellectuel bien formé. Professeur, conférencier, écrivain, etc., Leslie François Saint Roc Manigat, reconnu pour ses solides connaissances en relations internationales avait de la compétence pour être un bon président dans n’importe quel pays de la planète.

Cependant, en dépit de ce parcours professionnel réussi et surtout de très belles expériences dans le domaine de l’enseignement dans de grandes universités dans le reste du monde, on reprochait au professeur un problème de communication. “Pwofesè an pa jan m ateri, aimaient répéter certaines gens de l’arène politique haïtienne.

En termes de communication de masse, comparé au jeune prêtre de gauche de la Théologie de libération, oui, le discours du professeur était trop élevé même pour des universitaires. Voire un peuple avec des problèmes socioéconomiques multiples comme celui d’Haïti. Mais, en réalité, le problème n’était pas une affaire de communication.

Si les problèmes de communication avec les masses, sa participation aux élections frauduleuses du 17 janvier 1988 et le conflit entre la hiérarchie de l’armée étaient perçus comme la cause occasionnelle pour chasser du pouvoir le professeur Manigat, quant à une classe politique et des hommes d’affaires qui avaient toujours résisté au changement et une communauté internationale qui cherche toujours des dirigeants soumis, donc dans l’ensemble, il y avait d’autres causes plus profondes causant le départ prématuré du professeur.

Arrivée au pouvoir après les élections contestées du 17 janvier 1988, on reprochait aussi au leader du RDNP (Rassemblement des Démocrates Nationaux Progressistes ) son insensibilité aux électeurs tués lors des élections du 29 novembre 1987 à la ruelle Vaillant. Maniga pran pouvwa sou san pèp lan, reprochait une bonne partie de la classe politique d’alors.

Selon certains analystes, le candidat Manigat devait, comme Me Gérard Gourgue, Pasteur Sylvio Claude, Louis Dejoie fils, Marc Bazin, etc., ne pas se présenter aux mascarades électorales qu’organisait le Conseil électoral soumis à un CNG (Conseil National de Gouvernement) en disgrâce.

Définitivement, dans ce cas, le professeur avait péché. Mais, ce n’était pas la vraie cause de son départ prématuré du pouvoir.

Chercher à comprendre le coup de force contre Manigat, c’est d’abord comprendre que l’indifférence nationale du pays contre ce chercheur remarquable et le conflit interne au niveau de la hiérarchie de l’armée avaient tout simplement permis à l’international de mettre à exécution leur projet de rendre instable Haïti. En facilitant ce coup, dans leur laboratoire des plans macabres pour le pays, l’occident avait trouvé l’opportunité de peaufiner l’instabilité toujours voulue, calculée et prémédité avec intention de nuire à l’évolution démocratique en Haïti. Puisque dans le long terme, l’insécurité généralisée du pays aura à profiter à la domination des puissances occidentales, donc il ne faut pas perdre trop de temps avec un emmerdeur comme Manigat qui, déjà, parlait de la célébration du bicentenaire de l’indépendance.

Comme Aristide, Leslie était une victime. Il aurait mieux servi ailleurs, particulièrement dans un pays sans grande influence ou ingérence de l’occident. Il aurait être mieux utile dans d’autres contextes et circonstances. Aristide et Leslie sont, de par leurs formations universitaires et approches politiques, deux hommes complètement différents. Mais de par leur amour pour Haïti, ils se rencontrent. Comme ils sont deux fous qui, par leurs façons d’administrer l’État, voulaient changer l’homme haïtien, donc ils étaient victimes d’un système mafieux local et international qui, dans leurs soucis d’exploitation, cherche toujours des soumis pour diriger le pays.

La génération des années 80 se souvient encore de la position de dirigeant responsable de Leslie Manigat dans l’affaire du bateau Shian qui, en janvier 1988, déchargeait au quai de la Sedren non pas des engrais, mais des déchets toxiques provenant de la décharge publique de la ville de Philadelphie. Le gouvernement haïtien avait réagi avec fermeté contre cette décision (8).

Pour toutes ces raisons, pour comprendre la vision du leader du RDNP pour Haïti, il fallait le placer au-delà d’un programme de cinq ans qui, malheureusement, avait été discontinué trop tôt.

Oui, chercher à comprendre l’incompréhensible, c’est arriver à cette conclusion que Leslie François Saint Roc Manigat faisait peur. Dans sa grande vision pour Haïti, Leslie ne voulait pas qu’en 2022 que le pays se noie dans cette crise de valeurs.

Après tout, je me souviens à quelques jours du premier tour des élections présidentielles de novembre 2010, comme je cherchais à avoir plus d’information sur Mirlande Manigat, un ami, ancien cadre du RDNP eut à me dire: professeur, tu n’as rien à craindre pour la candidate du parti. Leslie est non seulement vivant, mais il est encore très lucide. Donc, basé sur cette déclaration du membre du parti, et des commentaires de beaucoup d’autres amis dans l’international, je peux comprendre que Mirlande n’a pas été élue présidente tout simplement par ce qu’elle était la femme de Leslie.

 

Prof Esau Jean-Baptiste

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1&2. Dieulermesson Petit-Frere. Il était une fois Leslie François Manigat

3- Léon Dumarsais Estimé- Wikipédia

4, 56&7. Prosper Avril. L’armée, Bourreau ou victime.

8-Jean-Claude Icart, novembre 2006). Alterpresse, Haïti: L’affaire des déchets toxiques aux Gonaïves.

Esau Jean-Baptiste: 7 février 1986-7 février 2015: Vingt-neuf ans d’échec démocratique.

 

 

 

 

 

 

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Lovelie Stanley NUMA

Lovelie Stanley NUMA, Journaliste Écologique et PDG Impulse WebMedias. Coordonnatrice Générale de l'association dénommée "Collectif des Journalistes Haïtiens Engagés pour l'Environnement (CoJHEE). La voix des sans-voix. Le journalisme utile c'est ma passion. Je travaille également pour des médias internationaux.