LA COMMUNAUTÉ HAÏTIENNE DE GUADELOUPE COMMEMORE LA BATAILLE DE VERTIERES
Haïti vit des heures sombres de son histoire depuis quelques longues semaines.
A l’ordinaire la fête de Vertières du 18 novembre s‘organisait dans des conditions plus grandioses et festives sur plusieurs sites du pays, la sortie officielle de la fanfare du palais national, la rencontre du président, le chef du gouvernement, et d’autres responsables de l’Etat, le corps diplomatique accrédité dans le pays, des amis du gouvernement, des hommes d’affaires… Mais une courte et symbolique cérémonie dépôt d’une gerbe florale a été organisée au Musée du Panthéon National Haïtien- MUPANAH). Par contre en Guadeloupe, le jeudi 21 sous l’initiative du Consulat de Guadeloupe en collaboration avec la mairie de Pointe-à-Pitre au pavillon de la ville, la commémoration a été différente.
Tout a commencé aux environs de 14h, les invités sont en place, des jeunes en majorité, une salle remplie avec des étudiants en histoire de l’art, accompagnés de leurs professeurs, découvrent l’histoire de la première république noire qui a mené une résistance farouche à l’armée de Napoléon Bonaparte, dite Bataille de Vertières. Une allocution a été prononcée par M. Auguste JOINT d’origine haïtienne.
Parcours de l’intervenant :
M. Auguste JOINT d’origine haïtienne après un long parcours de formation en France, s’est installé en Guadeloupe depuis plusieurs décennies comme Professeur de sciences sociales, chargé d’enseignement à l’ UFR de l’économie, enseignant en philosophie, français, histoire-Géographie, en sciences économiques et sociales.
Sociologue et écrivain, à son actif plusieurs ouvrages dont le dernier aux éditions Nestor, date de janvier 2014 qui a pour titre « PERE Chérubin Céleste, entre le religieux et le politique ». Il a fondé, présidé et co-présidé plusieurs associations dont les plus connus : Collectif Haïti de France et La Fédération des Associations franco-haïtiennes de la Guadeloupe, sont des structures qui œuvrent encore.
Le conférencier expose avec habileté son récit sur la Bataille de Vertières un haut fait historique mais qui reste peu connu en France et en Guadeloupe, pour citer M. JOINT.
La guerre de l’indépendance d’Haïti a durée 13 ans, de l’insurrection des esclaves le 21 août 1791, à la Bataille de Vertières le 18 novembre 1803. La Bataille de Vertières est la dernière menée par les esclaves de Saint Domingue et couronnée par leur victoire finale sur l’armée de Napoléon, la plus puissante armée du monde en ce temps-là.
Nous citons le contenu de l’intervention du Professeur Joint.
QUEL EST LE CONTEXTE HISTORIQUE DE LA BATAILLE DE VERTIERES ?
La guerre de l’indépendance d’Haïti est commencée avec la Cérémonie du Bois Caïman dans la nuit du 14 au 15 août 1791 ; cet événement demeure le fait mythique dans la Révolution haïtienne quand le prêtre vaudou Boukman sacrifiait aux dieux d’Afrique un cochon, et faisait croire aux esclaves de Saint Domingue qu’ils seront désormais invincibles devant l’armée française, et s’ils venaient à mourir ils iraient revivre avec leurs dieux en Afrique.
L’insurrection des esclaves était incontrôlable ; en 1793, les commissaires français Sonthonax, Saint Léger et Polvérel ont aboli l’esclavage à Saint Domingue. Parallèlement, quelques mois après, en1794, Victor Hugues a fait la même chose en Guadeloupe. Si en Guadeloupe, les colons français ont pu rétablir l’esclavage, à Saint Domingue, cela ne pouvait plus se faire. Quelques années plus tard, en mai 1801, Toussaint Louverture a fait voter une Constitution et proclamer l’autonomie de Saint-Domingue par rapport à la France. Cet acte d’insoumission était insupportable pour Napoléon Bonaparte et ses congénères. Pour soumettre Toussaint et ses administrés, Bonaparte a envoyé l’expédition de son beau-frère Leclerc avec 22.000 hommes et 250 bateaux de guerre.
L’expédition de Leclerc est arrivée à Saint Domingue en novembre 1801. Après quelques batailles menées entre Toussaint et Leclerc, ce dernier est mort de la fièvre jaune en novembre 1802 et remplacé par le Général Rochambeau, réputé plus méchant que lui. Toussaint, lui, restait le maître de Saint Domingue, mais lâché par ses généraux, il cessa de batailler et s’est replié sur son habitation à Ennery, près de la ville des Gonaïves. Le 6 mai 1802, il fut arrêté par traitrise par le général français Brunet et exporté en France le 7 juin où il mourut de froid et de tristesse dans sa cellule au Fort de Joux, en Alsace, le 7 avril 1803. Après l’arrestation et la déportation de Toussaint, son adjoint, le Général Jean-Jacques Dessalines, plus agressif que Toussaint contre les colons blancs, rassemble les troupes dispersées et prend la direction de l’armée indigène. Pendant ce temps, en Guadeloupe, la guerre entre l’armée française, dirigée par le Général Richepanche, et celle des indigènes, dirigée par Ignace et Delgrès, est soldé par l’échec des indigènes et le rétablissement de l’esclavage. Au dire des rumeurs, un émissaire guadeloupéen, allaient annoncer aux Haïtiens l’intention des Français de rétablir l’esclavage.
Cette nouvelle a renforcé la détermination des Haïtiens de lutter jusqu’au bout pour garder leur liberté. La guerre entre les troupes indigènes, dirigées par Dessalines, et les troupes françaises, dirigées par Rochambeau, se relance avec plus de férocité. Le 12 avril 1803, le général François Capois dit Capois la Mort, occupe la ville de Port-de-Paix, au Nord d’Ouest du pays. Au début de mai 1803, ce fut la Bataille de la Crête-à-Pierrot à Petites Rivières de l’Artibonite. Là, Dessalines, apercevant l’arrivée des Français vers le Fort, lance à ces soldats : « Les français arrivent. Je ne veux garder avec moi que des hommes braves. Que ceux qui veulent redevenir esclaves sortent du Fort ; que ceux qui veulent vivre libres se rangent à côté de moi. » Tous ses soldats ont répondu : « Nous mourrons tous pour la liberté ! ». Malgré les pertes en vies humaines, les indigènes ont pu repousser l’armée française et sauvegarder le Fort la Crête à Pierrot.
Ce fut la première grande victoire des indigènes sur l’armée française. Le 18 mai 1803, dans un congrès à l’Arcahaie, près de Port-au-Prince, pour marquer leur séparation de la France, les indigènes ont déchiré le drapeau tricolore français en enlevant le blanc et en créant le drapeau bicolore haïtien bleu et rouge qui symbolise l’union des noirs et des mulâtres contre les blancs français.
C’est avec ce symbole que l’armée indigène va affronter l’armée Française dans la Bataille de Vertières. C’était un fait assez récent pourtant plus de deux siècles car cela fait 216 ans qu’Haïti s’est libérée de cette armée. Une assistance de jeune en grande partie s’instruit, s’informe et comprend mieux le vécu des haïtiens qui sont arrivées en Guadeloupe depuis maintenant un demi-siècle actuellement
LES CONSEQUENCES IMMEDIATES…
L’île est proclamée indépendante de la France officiellement le 1 er janvier 1804 par l’Acte de l’Indépendance de la République d’Haïti lu par Dessalines aux Gonaïves. La bataille de Vertières est pour Haïti la fin d’une longue et sanglante guerre de libération. Le 1er janvier 1804, après avoir écrasé l’armée française que Bonaparte avait envoyé pour rétablir l’esclavage, Haïti devenait le premier État noir des temps modernes, la première république noire au monde.
EN CONCLUSION LE PROFESSEUR NOUS RELATE CECI :
Le 18 Novembre 2019 rappelle le 2016ème anniversaire de la bataille de Vertières. Il convient de célébrer cet évènement instauré par « des va-nu-pieds » devenus héros, en mettant sur une balance d’égalité non pas la vie et la mort, mais la liberté et la vie. Ils ont montré qu’une vie sans liberté ne mérite pas la peine d’être vécue. Ils ont ouvert le chemin du « vivre libre ou mourir ». Ils ont été suivis par tous les grands libérateurs de l’Amérique Latine, de l’Amérique du Nord et tous les peuples assoiffés de liberté, comme Bolivar et Miranda, deux libérateurs du Venezuela, de la Bolivie et de l’Argentine, ce que malheureusement, beaucoup de personnes, de peuples, et d’universitaires ignorent. Notre rôle est de faire émerger, selon l’expression de Foucald, « les savoirs ensevelis ».
Après la Bataille de Waterloo en Russie, c’est la Bataille de Vertières à Saint Domingue qui a fait échec à l’armée de Napoléon Bonaparte, la plus puissante armée du monde en ce temps-là.
Plusieurs intervenants ont été très émus suite à l’intervention ; une histoire méconnue ; volontaire ou pas les opinions sont diverses. Il faut souligner cette première initiative de la mission diplomatique haïtienne en Guadeloupe à commémorer la Bataille de Vertières.
Toujours dans l’assistance, un invité souhaite que la prochaine édition se fasse en collaboration avec une structure associative de la place pour une plus grande vulgarisation de cette commémoration si symbolique pour la communauté Haïtienne arrivée en Guadeloupe il y a maintenant un peu plus de 50 ans.
Peterson HERCULE
Guadeloupe Décembre 2019