Haïti-Nécrologie: Quand Pradel Henriquez dit bonjour et au revoir à Carl Dieudonné
Vingt-quatre heures après le départ du grand journaliste Carl Dieudonné pour l’Orient Éternel, l’ancien ministre de la culture et de la communication Pradel Henriquez adresse une correspondance titrée bonjour et au revoir. Cette missive traduit son attachement à son confrère et ancien collaborateur où il fait l’éloge d’un grand homme incarné à l’intérieur de Carl Dieudonné.
Impulse Webmedias publie ce texte in extenso signé Pradel Henriquez 👇👇👇👇
BONJOURET AU REVOIR CARL DIEUDONNE
Bonjour Carl,
J’ai appris la nouvelle de ton décès ce dimanche 24 avril en soirée.
J’ai eu donc deux (2) chocs à la fois :
1- Un choc lié d’une part à la nouvelle même de ta mort en soi.
2- Un autre choc lié cette fois plutôt à ta manière de mourir, à l’environnement tragicomique, ubuesque et burlesque, dans lequel tu es mort. Tu as vécu la souffrance. Tu as crié. Personne n’est venu dignement à ton secours. Tu as senti ta mort, tu l’as vu, tu en désespérément fait l’annonce….
Et voilà, tu meurs vraiment comme si de rien n’était. Aucune justice. Comme toujours.
Elle est bien cynique notre société.
Pour l’espoir que tu incarnais, Carl, autour de nous à Télémax, déjà entre 2004 et 2006,
pour les images de toi, inhumaines, que j’ai vues sur les réseaux sociaux, hier et aujourd’hui,
pour l’homme digne que tu fus et qui a collaboré avec moi, avec un port de tête toujours fier.
Dans ta fonction de faiseur de rois, libre comme je te voulais toujours libre, au titre de directeur de l’Information que tu exerçais, à nos côtés, tu avais les moyens de t’enrichir sans scrupule, comme tant d’autres le font . Non. Tu as dit non. Tu fais, tu feras donc ta route à ta manière et tu as suivi ton propre destin.
Pour toi, le journalisme était, est et sera un véritable sacerdoce, quitte à en payer les conséquences.
Pour toi, le journalisme avait, a et aura une éthique, quitte à en payer les conséquences.
Pour tout cela, Carl, je suis en mesure d’affirmer désormais que tu restes et demeures la plus récente victime d’une société de cannibales. Point.
Paulette Poujol Oriol, de son vivant, me considérait au quotidien comme son fils.
Elle m’appelait toujours :
” Mon fils “…
Parce que j’étais en réalité (je suis encore) son pur produit .
Ce que j’assume maintenant qu’elle n’est plus et ne pourra m’apprécier qu’à partir de son au-delà parsemé de toutes les épithètes de noblesse.
Je veux que tu partes et que tu n’oublies pas que je te considère aussi, de mon lieu d’impuissance, comme mon pur produit. Mon fils. Comme de fait, Telemax pour nous, a été, était une école de rigueur , de grandeur, à cette époque.
Seul François Rabelais était notre maître absolu :
” science sans conscience n’est que ruine l’âme” .
Cette formule du philosophe de la renaissance, on l’appliquait à la lettre afin de mieux nous implanter au service de notre milieu haitien, original, particulier et qui a besoin d’une pédagogie sans cesse renouvelée.
Or, toi, Carl, tu as cru bon, de notre rencontre jusqu’à ta mort, de n’exprimer à mon égard, rien que de la gratitude. A qui voulait l’entendre. J’écris ici uniquement pour te rendre à mon tour cette gratitude.
De fait, au moment de t’accueillir dans mon bureau de Télémax, vers la fin de l’annee 2004, je me souviens, je t’ai dit bonjour Carl.
Après Guyler C. Delva et Martinez Clercidor, tu allais devenir ainsi mon 3e directeur de la salle des nouvelles (ou encore, mon 3e directeur de l’Information) sur la chaine 5, Telemax. Mon collaborateur le plus immédiat…
Avec toi, comme avec tes prédecesseurs parfois, j’ai fait des merveilles, et ceci, jusqu’aux bouillonnantes élections de 2006 qui ont engendré René Préval pour son 2e mandat. Voire même, jusqu’à la couverture des événements liés à Miss VidéoMax en août 2006, période à laquelle j’ai profité pour laisser Telemax au sommet de sa gloire…
En dépit de cette horrible déchéance dans laquelle tu t’es enveloppé durant tes derniers jours sur terre, je veux que la nation entière se souvienne de toi , qu’ elle retienne qu’ au sommet de cette gloire, il y avait aussi, un homme, un talent, une passion, c’était toi.
Au revoir, Carl.
Pradel Henriquez
25 avril 2022