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La démission de Foote: sonne-t-elle l’heure d’un véritable examen de conscience dans les relations haïtiano-américaines contemporaines?

La démission de Daniel Foote, après seulement deux mois comme envoyé spécial du président Joseph (Joe) Biden en Haïti, a étalé au grand jour les défauts de fabrique de la politique américaine en Haïti au moins au cours des deux à trois dernières décennies. En fait, au cours des 20 dernières années, les américains tout en claironnant à tue-tête leur support à la démocratie en Haïti à travers un usage tactique de la “diplomatie du mégaphone”, ont au fond établi un véritable dialogue de sourds envers Haïti. Les différentes administrations américaines, républicaines et démocrates confondues, des Georges Bush aux Clinton dans leurs multiples versions, en passant par Barack Obama, traversant l’ère tapageuse d’un Donald Trump “unfiltered” jusqu’à l’administration actuelle de Joe Biden, la politique étrangère américaine en Haïti s’est installée, enlisée dans la promotion d’une démocratie minimaliste, électoraliste de façade en décalage énorme par rapport aux défis, besoins, et aspirations réelles de changement d’une grande majorité souffrante de la population haïtienne.

Si Daniel Foote a justifié sa démission sur la base de son refus de s’associer à la déportation inhumaine des migrants haïtiens massés sur la frontière mexicano-américaine à Del Rio au Texas, il en a profité pour souligner des tares récurrentes expliquant le fait que l’approche américaine par rapport à Haïti au sens large au cours des dernières années soit complètement à côté de la plaque “ deeply flawed”. L’envoyé spécial, dans sa lettre de démission, reconnait que l’Etat effondré d’Haiti “ collapsed state” est incapable de garantir la sécurité et de fournir les services de base à sa population.

C’est justement là où le bât blesse. Pourquoi tant d’années d’une “montagne” de support à la démocratie ont-elles favorisé l’accouchement d’un Etat failli où la population est prise en otage par des gangs tout-puissants, les kidnappings, la misère, et l’indifférence de dirigeants politiques bien sapés dans leurs rôles de “puppets” et dont gouverner se révèle parfaitement le cadet de leurs soucis? Parce qu’au fond, le support dit à la démocratie n’a été qu’ un appui quasi inébranlable à des dirigeants corrompus, incapables ou des “ bandi legal”. Les recommandations de Foote pour remédier à cette situation ne font que faire écho à ce que réclament depuis des lustres la majorité des haïtiens dont la voix ou les propositions ne comptent plus pour pouvoir trouver des issues positives aux innombrables crises qui accélèrent l’effondrement de l’Etat et la décomposition de notre pays. En effet, Haïti a besoin du champ libre pour pouvoir choisir ses dirigeants sans pression américaine ou de la communauté internationale afin de pouvoir assumer convenablement son destin politique.

Cette démission va-t-elle donc marquer un moment crucial “ pivotal moment” d’examen de conscience ou de changement de la politique américaine en Haïti? Au fond, on peut en douter. Comme le souligne Frantz Duval dans son texte du Nouvelliste, “ Échec américain, naufrage haitien”, l’administration Biden est plus susceptible de s’adonner à un exercice de “ damage control” au lieu de penser à donner une orientation différente à la politique américaine en Haïti. Aussi, si Daniel Foote est le dernier diplomate étranger en date à remettre en question les “ effets catastrophiques” de la politique américaine ou de la communauté internationale dans son ensemble en Haïti au cours des 15-20 dernières années, il n’en est pas du tout le premier.

Ricardo Seitenfus est passé par là. On pourrait même mentionner le diplomate américain Brian Dean Curran dans son discours d’adieu le 9 juillet 2003 qui avait plaidé pour une “nouvelle génération de leadership politique” comprise de “ talentueux jeunes professionnels” qui sont “ éprouvés dans le creuset des idées modernes” pour prendre en main le destin politique d’Haïti. Hélas, depuis lors, les États-Unis ont continué d’appuyer la même classe politique incompétente et anachronique en Haïti. Plus ça change, plus c’est la même chose. De son côté, le diplomate brésilien avait mis à nu l’hyprocrisie, la politique de deux poids deux mesures ou encore, pour reprendre Esaü Jean-Baptiste, le “double langage” de la communauté internationale en Haïti. Seitenfus a même été démis de ses fonctions par l’Organisation des États Américains (OEA) pour avoir dénoncé les manœuvres de l’OEA lors des élections de 2010 ou nos tuteurs ont carrément manipulé les résultats et décidé de choisir Michel Martelly comme vainqueur de ces élections.

Il est certainement réjouissant de voir des diplomates étrangers prendre une position dissidente par rapport aux mauvaises pratiques de la politique des Etats-Unis ou de certaines institutions internationales en Haïti, mais il revient aux dirigeants haïtiens d’apprendre à devenir de véritables décideurs dans l’intérêt de leur propre pays. Une nation qui est entrée dans l’histoire par une si grande porte, celle de la grandeur et de la dignité, doit toujours, au fil du déroulement de son histoire, se démener comme le diable dans un bénitier ( degaje n kou mèt Jean Jacques), pour assumer son destin politique.

Si plusieurs générations de dirigeants politiques n’ont pas assez œuvré pour “ fausser le simple jeu du rapport des forces” et utiliser tous les moyens à leur disposition pour faire valoir la vision haïtienne des choses dans nos rapports avec la communauté internationale, le combat n’est pas perdu pour autant. Les acteurs appelés à émerger doivent déjà en tirer des leçons en vue de faire bouger les choses pour finalement inscrire dans la réalité politique du pays l’agenda collectif haitien pour la stabilité, la démocratie réelle, le changement en s’éloignant progressivement de l’étau délétère de la tutelle américano-onusienne.

 

 

Joseph Wendy Alliance

alliance.joseph86@gmail.com

 

Références:

1) https://www.thenation.com/article/world/foote-resignation-haiti/

2) Jean Baptiste, Esau. Essai sur l’impact du double langage de l’international en Haïti: Ecrire pour ne pas oublier.

Editions Dedicaces, 2020.

3) https://cepr.net/press-release/oas-insider-reveals-details-of-illegal-foreign-intervention-against-haitian-democracy/

4) https://www.washingtonpost.com/context/read-resignation-letter-from-u-s-special-envoy-for-haiti-daniel-foote/3136ae0e-96e5-448e-9d12-0e0cabfb3c0b/

5) https://lenouvelliste.com/article/231807/echec-americain-naufrage-haitien

6) Manigat, Leslie.La substitution de la prépondérance américaine à la prépondérance française en Haïti au début du XXe siècle : la conjoncture 1910-1911. Revue d’histoire contemporaine. Octobre-Décembre 1967.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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Lovelie Stanley NUMA

Lovelie Stanley NUMA, Journaliste Écologique et PDG Impulse WebMedias. Coordonnatrice Générale de l'association dénommée "Collectif des Journalistes Haïtiens Engagés pour l'Environnement (CoJHEE). La voix des sans-voix. Le journalisme utile c'est ma passion. Je travaille également pour des médias internationaux.