Haïti/Nécrologie/Hommage : Dieudonné Fardin, parti Livres en main

Dieudonné Fardin, de son vrai nom, Benoit Louis Marie Pierre, est un Professionnel du Livre. Il a une vie de Livres. Même dans son odyssée dans l’au-delà il restera un Homme de Livres. Il était né le 18 Novembre 1939. Élève des Frères de l’Instruction Chrétienne et du Lycée Tertulien Guilbaud de Port-de-Paix, il fut Brocanteur dès 12 ans.

Très brillant à l’école il excédait surtout dans les activités littéraires. Il rêvait de devenir un grand éditeur. Pour cause, il fréquentait la Bibliothèque Sténio Vincent à Port-de-Paix. Il fait la promotion de la lecture à travers son projet de Bibliothèque Ecoles qu’il a initié dans sa ville natale.

Il mettait en scène des Pièces de théâtre pour les jeunes et organisait des excursions dans les sites touristiques du Nord-ouest. Mécène à ses heures, il a fait sculpter un buste de Capois la Mort. Dès son jeune âge, il aimait voler au secours des jeunes démunis.

À 17 ans, il a commencé avec son fameux Journal “ Le Petit Samedi Soir”. Les premières éditions parurent à Port-de-Paix avec des Numéros de 10 à 12 pages. C’était un hebdomadaire qui n’excédait pas 5 ou 10 gourdes. Boursier de l’Université de Louvain, en France où il a étudié la Planification de l’Education.

Là, pour gagner sa vie, il vendait des journaux en les offrant aux étudiants. De retour au bercail, il s’est livré à la production de journal à travers les Editions Fardin. De 500 à 10.000 Exemplaires par parution l’hebdomadaire faisait son petit bonhomme de chemin. L’implantation du Journal “ Le Petit Samedi Soir” favorisait son élan dans la littérature haïtienne contemporaine.

L’hebdomadaire n’était pas seulement une revue. Ce fut de préférence une école de lettres très prestigieuse. Il a servi le monde et jusqu’à présent à un très haut niveau pour ne pas dire au plus haut niveau des lettres. Ses rédacteurs ont émerveillé le monde, si on peut citer des renoms comme Pierre Clitandre et ne parlons pas de Dany Laferrière.

Ce dernier aujourd’hui siège à l’Académie Française qui est le berceau de la littérature mondiale. Dieudonné Fardin a mené une vie de livres. Non seulement pour s’instruire, mais aussi pour vivre et pour aider ses compatriotes. Il a mis tous les grands classiques littéraires à la portée des lecteurs haïtiens.

Dieudonné avait une famille de 4 enfants, 3 garçons et une Fille. Plus de 55 ans de vie conjugale. Il fut spécialiste en reproduction des livres anciens pour les remettre à la portée des étudiants haïtiens aux moyens précaires. Sa femme est spécialiste en confection de Robes de Mariage.

Son père fut le plus grand mécanicien d’automobile du Nord-Ouest. C’est lui qui arrivait pour la première fois en voiture à Port-de-Paix et il a mis près de 3 mois pour y arriver. Dieudonné Fardin, lui-même, fut le plus grand et le plus célèbre relieur en Haïti.

Il est un mécanicien du Livre. Il n’aimait pas voir des livres abimés. Disons vrai, il était aussi mécanicien, cordonnier et couturier. Il n’aimait de la politique active, il refusait souvent des postes prestigieux. Il se disait être trop franc pour occuper des postes politiques en Haïti.

Ses meilleurs souvenirs:

Présentation du Président François Duvalier lors d’une grande cérémonie à l’ONA et la Première Exposition des Ouvrages en Créole. Sur la totalité des livres exposés, il avait eu plus de la moitié. Et, en dernier lieu, il était invité d’honneur à la 24ème Edition de Livres en Folie du Journal Le Nouvelliste.

Et, l’on admet tous et toutes que c’est la plus grande Foire du livre d’Amérique. C’était comme un couronnement de carrière. Son premier livre édité s’appelait “ Kaka Chat” an Kreyòl. Dieudonné Fardin détestait les accusations sans fondement qui sont légions dans la Presse Haïtienne.

Son ouvrage préféré est Gouverneur de la Rosée de Jacques Roumain. Sous la présidence d’Aristide, il partit en exil. Mr Fardin est un passionné de Livres. Il vivait de livres et il est mort livre en main, comme un soldat sur le champ de bataille qui est tombé armes en main. L’homme du P’tit Samedi soir vient à peine d’entreprendre le grand retour, par un matin 4 juillet 2021. Mais ce fut un Dimanche. Quelle pathétique ironie du sort ?????

Ulysse Jean Chenet