JUSTICE

Haïti / Justice : Affaire Danton LÉGER: Péguy JEAN, avocat et chercheur en droit public, opine!

Le dossier relatif à cette “sortie” pour le moins menaçante du citoyen Jean Danton LEGER et la tentative de riposte du pouvoir politique à travers le commissaire du gouvernement près le Tribunal de Première Instance de Petit-Goâve, ne peut nullement être analysé à la lumière du droit pénal haïtien qui n’est autre que l’émanation de la Constitution, la loi-mère.

Pour bien appréhender cette question qui fait débat depuis pratiquement une semaine non seulement sur les réseaux sociaux mais aussi dans la presse traditionnelle, il faut d’abord analyser le contexte ayant prévalu à la création de l’État d’Haïti, faire un survol de l’histoire constitutionnelle haïtienne, comprendre les enjeux à la base de l’adoption de la Constitution de 1987 et la responsabilité du souverain, comme créateur de droit dans un système privilégiant la démocratie représentative.

D’un point de vue pratique, à première vue, on serait amené à conclure que l’exhibition des machettes et les menaces qui l’accompagnaient, constitueraient une atteinte à l’ordre public existant. Cette lecture, en dépit de son caractère simpliste,  peut convaincre une partie de l’opinion publique.

Dans cette lignée, certains juristes et professeurs de droit public vous diraient qu’on ne peut pas poursuivre le citoyen Jean Danton Leger car, eu égard au dossier, un élément fondamental manque pour la constitution de l’infraction: l’élément matériel. En d’autres termes, il y a pas eu de passage à l’acte. Ce qui revient à dire, on pourrait le poursuivre au cas où il y aurait passage à l’acte.

Poussons un peu plus loin la réflexion! 

Vous conviendrez avec moi que le droit pénal exhibé pour prétendre poursuivre le citoyen Jean Danton LÉGER ne tire son fondement que de la Constitution et cette dernière n’est autre que l’émanation du souverain. En d’autres termes, on ne viole pas la législation pénale si l’action entreprise vise fondamentalement à défendre et à sauvegarder l’élément fondateur ayant donné naissance à cette législation pénale.

Haiti, à travers sa charte fondamentale, a adopté la démocratie représentative. Cela signifie quoi?

Cela signifie que le souverain est celui qui exerce le pouvoir. Certes il ne l’exerce pas directement mais il l’exerce par l’entremise de ses représentants placés au niveau des trois (3) pouvoirs de l’État.

Il demeure un principe généralement admis en démocratie [représentative] que les gouvernants ne peuvent exercer leur pouvoir qu’à l’intérieur du cadre normatif préalablement défini par la société. En d’autres termes, ils ne peuvent en aucun cas agir ou opérer qu’en fonction des pouvoirs qui leur sont dévolus par la Constitution et les lois de la République. Autrement dit, un dirigeant qui agit en dehors de ses attributions constitutionnelles et légales, se met directement en rébellion contre la République, contre le souverain qui est censé son patron et qui, préalablement, avait défini, à travers la charte fondamentale, les limites des gouvernants.

Je voudrais ici vous épargner de cette théorie dont je veux être le concepteur, selon laquelle “les attributions dévolues à un pouvoir public devenu dysfonctionnel par la faute d’un autre pouvoir public, ne peuvent que revenir au souverain. En d’autres termes, l’Exécutif ne peut prétendre légiférer par décret prétextant que le pouvoir législatif est devenu dysfonctionnel, s’il peut être établi qu’il incombait à ce même exécutif d’organiser les élections. Et comme le dit le vieil adage connu de tous et même des profanes en droit: On ne peut pas profiter de ses propres erreurs.

En Haiti, il ne fait aucun doute que tous les indicateurs sont au rouge. Et à pas de lièvre, nous marchons à reculons: Pas de parlement. La justice est dysfonctionnelle. Le concept “rédition de compte” disparaît. Nos “dirigeants” si nous en avons, se soucient de tout, sauf de notre sécurité et de celle de nos enfants. Les citoyens livrés aux gangs armés opérant, pour le moins, en toute quiétude. Des millions, à longueur de journée, dépensées sans contrôle. Un homme seul maitre à bord. Il y a pas mieux pour caractériser la non-prévalence ou la disparition de la démocratie. Cette dernière n’a pas sa place là où le contrôle de l’action gouvernementale se révèle inexistant.

Et dans toute société, qu’elle soit démocratique ou autoritaire, il existe toujours cette possibilité que le citoyen se révolte contre une loi ou une disposition des autorités, jugée injuste: D’où le droit naturel.

Revenons au cas qui nous concerne!

Le citoyen Jean Danton LEGER, peut-il être poursuivi à la lumière du droit pénal haïtien?

À première vue, on est amené à se dire “OUI” sur la base des menaces publiques proférées qui porteraient atteinte à la paix et à la stabilité publique.

Toutefois, si vous poussez un peu plus loin l’analyse, vous comprendrez que les agissements de ce citoyen, loin de violer le droit pénal, vise de préférence à le protéger et à le préserver. Le droit pénal étant l’émanation de la charte fondamentale, si cette dernière est menacée, c’est donc tout le corpus juridique qui subira ce sort, en vertu du principe selon lequel l’accessoire suit le principal.

Ainsi donc, la position et les menaces du souverain Jean Danton LEGER participent de l’exercice de son droit politique car tout citoyen a le devoir et même l’obligation de défendre la Constitution envers et contre tous.

Le droit à la révolte citoyenne  n’est donc assujetti à aucune forme de sanction pénale quand il vise la défense du territoire et la sauvegarde de la Constitution qui incarne le fondement même de l’État.

 

 

Me. Péguy JEAN

Avocat au Barreau de Port-au-Prince

Cabinet Péguy JEAN Law Firm

peguyjeancabinet@gmail.com

Whatsapp: +509 31 09 48 77

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Lovelie Stanley NUMA

Lovelie Stanley NUMA, Journaliste Écologique et PDG Impulse WebMedias. Coordonnatrice Générale de l'association dénommée "Collectif des Journalistes Haïtiens Engagés pour l'Environnement (CoJHEE). La voix des sans-voix. Le journalisme utile c'est ma passion. Je travaille également pour des médias internationaux.