PNH, une prestigieuse institution malheureusement au service des narcissiques et psychopathes qui dirigent Haïti
Depuis les temps anciens, comme toute société, en termes de sécurité, le peuple haïtien a toujours eu de grands besoins à satisfaire, auxquels on ne peut pas répondre de la même manière, voire considérer avec négligence ou amateurisme. En principe, « La société doit d’abord être gouvernée et administrée, sans quoi elle ne peut constituer un tout cohérent. Quand cela est fait et que son identité est acquise, son besoin prioritaire, pour continuer d’être comme société, est d’être protégée. Elle a besoin d’une force qui la protège contre ses ennemis de l’extérieur et aussi d’assurer, sur son propre territoire, la protection des sociétaires, de leurs droits et de leurs biens, contre ceux au sein de la société qui menacent les droits des autres ».
Théoriquement, l’armée et la police répondent donc à des problématiques totalement différentes. Si la mission de l’armée est de défendre l’État et le territoire contre ceux qui en contestent son autorité en tant que nation, celle de la police est de protéger et de servir la vie et les biens des citoyens. « Armée et police ont des missions de sécurité complémentaires. L’armée surveille les menaces qui viennent d’ailleurs, la police celles qui peuvent sourdre au sein de la société même. Ces deux structures de sécurité ont donc, dès le départ, tendance à évoluer en parallèle et à devenir différentes, tant dans leurs moyens et leurs méthodes que dans leurs objectifs. »
Partant de cette démarche, pour mieux comprendre l’institution policière (PNH) de moins de trente ans d’existence, il est bon à travers ce texte, de faire un bref rappel historique des faits qui ont conduit à la création de la PNH (Police Nationale d’Haïti), pour permettre aux lecteurs de bien saisir les causes profondes et occasionnelles des antagonistes ayant guidé à la formation de cette force de sécurité.
Le coup d’état militaire qui a renversé le président Aristide le 30 septembre 1991 a été le résultat de l’ingérence de l’international dans les affaires politiques du pays.
A noter, Aristide ne fût pas l’homme de la communauté internationale, puisque lors des élections présidentielles du 16 décembre 1990, le candidat Marc L. Bazin avait tout le support des États-Unis. N’empêche qu’au lendemain du coup d’état des militaires du 30 septembre 1991, officiellement, à travers les efforts de l’Organisation des États Américains (OEA) et de l’Organisation des Nations-unie (l’ONU), les grandes puissances, inclut les autorités de Washington, étaient favorables au ‘’retour à l’ordre constitutionnel.
Ainsi avec le support des militaires américains, après trois ans d’exil dans la capitale américaine et de négociations diplomatiques intenses, finalement Aristide était retourné en Haïti le 15 octobre 1994 pour terminer le reste de son mandat de cinq ans. Mais, avant même son retour, mis à part des accords signés entre le président et les faux amis d’Haïti, des discussions avaient eu lieu avec le gouvernement des États-Unis, l’ONU à propos notamment de la formation d’une nouvelle force de police pouvant aider au processus démocratique.
Mais la transition vers une nouvelle force de police civile à vocation démocratique était-elle possible à implanter en Haïti compte tenu des mauvaises expériences de la population avec les militaires putschistes avant et spécialement durant les trois ans du coup d’état ?
En outre, cette transition était beaucoup plus difficile d’autant plus qu’après le démantèlement de l’institution militaire par président Aristide en 1995, la Police Nationale d’Haïti (PNH) était la seule force légalement armée dans le pays. Puisqu’ils étaient nombreux les problèmes culturels, structurels et conjoncturels dans une Haïti post Duvalier, donc aborder des questions de police et la démocratie méritaient bien de prendre en compte les problèmes quotidiens que devraient rencontrer l’institution policière en général et l’agent policier, en particulier, sur le terrain.
Pour Isabelle Fortin et Yves-François Pierre dans Haïti et la réforme de la Police Nationale d’Haïti, «L’escalade de la violence politique et sociale qui traverse Haïti depuis la chute de la dictature des Duvalier en février 1986 ainsi que le choix de l’implantation d’un État démocratique exprimé par la très grande majorité de la population expliquent que le besoin en matière de justice et, corrélativement, la réforme des organes de sécurité et de justice demeurent de première importance dans le processus de construction démocratique du pays entamée depuis lors ».
Police Nationale d’Haïti et la démocratie
Retenons que depuis la création de l’institution militaire par les américains au moment où ils quittaient le pays après dix-neuf ans d’occupation (1915-1934), il a toujours eu une force policière en Haïti. Comme elle a toujours été une force répressive avec des hommes ayant une formation militaire, ainsi, la nouvelle réalité politique du pays nécessitait une autre institution policière pouvant aider Haïti dans le processus démocratique. Mais, avec de faibles institutions sans grandes structures et expériences démocratiques, avoir une police démocratiquement efficace au service de la société ne serait pas chose facile. En outre, comment parler de police et démocratie, alors que ces deux termes ne sont pas identiques, mais pourtant dépendant l’un de l’autre. Ils sont inséparables l’un de l’autre parce que la garantie d’une démocratie durable passe inévitablement par l’utilisation de la force publique.
Mais de toutes les préoccupations, comment cette nouvelle institution allait faire pour s’intégrer et avoir sa légitimité auprès de la population haïtienne ? Surtout cette dernière gardait encore les cicatrices de violence et d’abus d’un membre quelconque de l’institution militaire. C’était dans ce contexte, quoique, difficile que cette force de police a vu le jour en 1995.
Création de la PNH
Pour parvenir à la concrétisation et le développement de cette force de police, le processus de recrutement avait été fait en deux grandes étapes. En tout premier lieu, le noyau même de cette institution avait donc commencé avec la formation de nouveaux agents, qui durant treize à quatorze semaines, avaient suivi leur « training au centre de formation de Saskatchewan de Regina, Canada. « Une centaine d’expatriés haïtiens ayant suivi une formation de trois mois au centre de formation de la Gendarmerie Royale du Canada de Régina sont arrivés en Haïti au début de 1995 pour constituer le premier noyau de la PNH. Après, une sélection sévère, basée notamment sur le mérite, sur le niveau d’éducation, et après des examens médicaux et physiques, les premiers 365 agents recrutés en Haïti pour la PNH ont commencé dès février 1995, dans le cadre du programme ICITAP, à recevoir une formation dispensée par des instructeurs venus des États-Unis, du Canada, de la France et de la Norvège. »
Dès le tout début, la création de cette force de police avait suscité bien des remous au sein de la classe politique et de la société civile. Parmi ces questions, plus d’un restaient perplexe sur les défis que devraient faire face les autorités haïtiennes en termes d’infrastructures si toutefois elles voulaient vraiment réussir la transition démocratique. Certes, des questions se posaient… celles qu’on pouvait facilement répondre et d’autres sur lesquelles il faudrait bien s’attarder. A dessein, certains se demandaient à tort ou à raison quel serait les retombées positives de cette nouvelle force de police sur la population et le processus démocratique. Déjà, la crédibilité de celle-ci était mise à rude épreuve puisque selon les plus pessimistes, Haïti n’était pas prête pour une police civile. Mais le plus important de tous ces questionnements était : comment contrecarrer les obstacles que rencontreraient cette nouvelle force ?
Les obstacles qui entravent…
Malheureusement, comme tant d’autres institutions étatiques du pays, la police nationale dès sa création était, elle aussi, victime de toutes les crises qui affectaient les autres corps de l’État. Dès son déploiement en 1995 à maintenant, la Police Nationale d’Haïti connait toutes sortes de crises. Quand ce n’est pas une crise d’identité, ce sont des problèmes d’affectations de moyens, gestion archaïque des personnels, de carrières, recrudescence de la violence et de mutation. « L’intégration d’anciens membres des FAd’H dans la PNH ainsi que des tensions internes ne sont que deux des problèmes auxquels la nouvelle force de police fait face et que la nouvelle équipe dirigeante s’est attelée à résoudre. En effet, de nombreuses contraintes opérationnelles et matérielles ont empêché la PNH de remplir complètement son rôle dès le premier déploiement en juin 1995 ».
Ainsi, la PNH étant le reflet de la société dont elle fait partie, donc les conflits socio-politiques qui ont marqué la fin des années 1990, spécialement après le démantèlement des forces armées, ont révélé au grand jour tout en donnant raisons à ceux-là qui étaient pessimistes quant à la possibilité à la nouvelle force de police de garantir efficacement la sécurité à la population. L’instabilité politique provoquée par des crises sociales et économiques qui malheureusement s’étaient transformée en une crise structurelle, avait en quelque sorte affaiblie l’institution policière. Comme les crises à caractère d’intérêts divergents et de conflits sociaux que connaissait le pays avaient de sérieuses conséquences conjoncturelles et structurelles sur les institutions étatiques, cela avait affecté á tous les échelons la police nationale.
En dépit de ce constat négatif, une bonne partie de la population avait considéré la nouvelle force de police comme la seule force légitime, capable d’assurer l’ordre et la sécurité. Mais plus de vingt-cinq ans après, la police dans sa noble mission de protéger et servir, a échoué. Mais comment parler d’échec d’une jeune force de sécurité comme celle de la PNH?
Généralement, ” Comment analyser les exactions policières? Assurément, questionner la police et sa légitimité est une opération délicate, y compris du côté des forces progressistes. Pour certains, les exactions policières constituent une dérive institutionnelle influencée par des dynamiques sociales délétères, comme les relations raciales ou les risques d’attentats aux États-Unis et en France, la guerre contre la drogue au Brésil notamment. Ces dérives étant aggravées par la militarisation des forces policières et, dans plusieurs pays, par l’instauration de « l’état d’urgence » qui apparait de moins en moins comme une mesure d’exception “.
Selon des experts, « l’expression « brutalité policière » est un pléonasme, la police étant par essence une institution dont la brutalité est légitimée par le principe du monopole étatique de la violence. Certains mouvements sociaux d’ailleurs, comme les anarchistes de la Côte Ouest des États-Unis, débattent pour savoir s’il faut lutter contre la brutalité policière ou contre la police en soi, ce qui ne les empêchent pas de se retrouver côte-à-côte dans la rue, face à la police ».
Dans certains pays, sous pression des mobilisations sociales, on dénonce toujours le caractère structurel des violences policières. Ce qui explique, «quel que soit le pays, la fréquence et la nature des interactions avec la police sont très contrastées selon le sexe, l’âge et la position sociale, le lieu de résidence, la couleur de la peau, la religion, l’orientation sexuelle et politique ».
Dans le cas d’Haïti, pays instable politiquement ou institutionnellement en faillite, les manifestations de ces derniers jours contre la corruption, le kidnapping et aussi pour faire respecter les articles 134-2 et 134-3 de la constitution haïtienne de 1987 amendée, n’échappent pas aux comportements de violence des policiers.
Si la population haïtienne dans sa lute contre la dilapidation des Fonds du Petro Caribe, le kidnapping, la dictature, développe une profonde méfiance envers la PNH, par contre est tout de même préoccupéée à savoir qui sont les vrais agents de la Police Nationale d’Haïti?
a) La PNH est-elle infiltré par des gangs armés?
Les soupçons d’infiltration de la PNH par des clans du pouvoir et des inconnus font la une depuis quelques années, spécialement avec l’arrivée au pouvoir ‘des bandits legal’’. On dénonce à l’intérieur des unités de la police la présence de certains “attachés” du pouvoir. Avec les uniformes de police, ces bandits tirent et tuent la population.
Fin 2018, très remonté par rapport de ce qui se passait au pays, Jean Renel Senatus fustigeait l’institution policière. Selon l’ancien sénateur de l’Ouest qui était le président de la Commission Justice et Sécurité au Sénat de la République, des gangs sont coiffés par des directeurs et commissaires au sein de la Police Nationale d’Haïti. Invité à la rubrique « Le Point » de la Radio Télé Métropole ce vendredi 16 novembre 2018, Jean Renel Sénatus fustige le fait que, selon lui, des gangs sont alimentés par des gens qui sont censés sécuriser la société. « Des bandits, des voleurs et des chefs de gang font partie de la PNH, » disait-il.
Quand les bandits disent qu’ils recoivent leurs armes et minutions des parlementaires, il y avait de quoi d’avoir peur. Mais quand c’est un Directeur général de la police qui déclare qu’il ne reconnait pas certaines armes et uniformes de certaines unités de la police qui sont dans les rues… donc le pays est mal protégé. Si Michael Gédeon ne controlait pas la PNH, donc qui la controlait?
Depuis lors, que ce soient sous les commandements de Normil Rameau, successeur de Gédeon ou de l’actuel DG Léon Charles, les choses vont de mal en pire. Dans bien des cas, les policiers arrêtent arbitrairement ceux qu’ils ne devraient pas arrêter et libèrent ceux qu’ils devraient garder incarcérer… pendant qu’ils protégent la manif des gangs du G9, ils tirent sur des manifestants qui protestent pacifiquement.
b) Brutalité policière par des agents de la PNH
En outre, quand des agents de la Police nationale, formés des filles et fils des paysans, des pauvres gens dans les bidonvilles, qui eux aussi sont victimes des barricades sociales et économiques imposés par les chiens de garde du système, sont envoyés dans les quartiers marginaux pour enlever les barricades de la population qui protestent contre toutes formes d’injustices, donc c’est une institution policière au service du statuquo. Quand les policiers, fils de marchandes, de paysannes, de pauvres chômeurs ont reçu des ordres pour tirer sur les gens dans les quartiers populaires qui revendiquent leurs droits, la PNH est donc créée avec des agents de souches pauvres pour servir et protéger les riches et agents du système.
Quand un policier tue un jeune homme qui proteste dans une manifestation, c’est, probablement son petit cousin, fils de l’autre frère de son père artisan qui vit, comme lui, avec les mêmes besoins primaires dans un autre quartier populaire dans sa commune. Quand l’agent de police tire sur la jeune fille qui manifeste contre toute forme d’injustice sociale dans le pays refuse, d’être un objet elle le fait non seulement pour la fille et la femme du policier qui, dans bien des cas sont victimes des mêmes problemse. De plus, cette jeune fille pourrait être bien la cousine du policier, unique enfant de sa tante marchande qui fait les mêmes commerces de misère que sa mère.
Comme durant le temps de l’esclavage dans la colonie où les esclaves n’avaient pas de plantation, aujourd’hui, le père du policier n’a pas de market. Il n’a pas non plus de pompe à essence. Le père du policier, s’il ne vit pas dans les villes de province les plus reculées du pays, il travaille parfois dans les factories d’exploitation des hommes riches. Pendant que la mère du policier, dans bien des cas, avec l’aide financière d’un proche qui vit à l’étranger, est marchande d’oeufs bouillis, pains et figues bananes devant les entreprises des riches, hommes de couleur du pays. C’est avec le maigre revenu que le père gagne ajouté à ce qu’économise la mère de son commerce de ‘chen janbe’ ou autres dans les marchés publics qui facilite que le policier bourreau a eu la chance de faire ses études dans des Lycées et écoles privées qui sont malgré tout complètement différentes de celles que fréquente les enfants des hommes politiques et riches. Quand le policier avec ses armes ne protège pas les masses, donc il est instrumentalisé pour protéger ceux qui se servent des grands moyens financiers et contactes politiques pour piller les fonds du Trésor public du pays et maintenir le statu quo.
Depuis plusieurs mois, la criminalité dans toute sa splendeur plonge Haïti dans la consternation. Quand ce ne sont pas des paisibles citoyens, ce sont les agents de la PNH qui paient les frais des bandits armés dans le pays. Lutte d’influence et incompétence criminelle des autorités de l’État ne sont pas un phénomène nouveau, puisque depuis un bout de temps, les agents de la PNH sont devenus la cible de violence des bandits légaux qui sèment le deuil dans les familles haïtiennes. Pourtant, le massacre du vendredi 12 mars des policiers sous les regards complices des autorités narcissiques et psychopathes qui dirigent Haïti interpelle la conscience de tout un peuple. « Cette déroute infligée à la PNH par des bandits lourdement armés de Village-de-Dieu » est preuve que l’institution policière a echoué dans sa mission de protéger et de servir.
Mais, si la PNH ne peut pas protéger ses agents, donc elle controle, protège et sert qui alors ? Le président de facto; la classe des affaires; ou en un mot, les chiens de garde du système corrompu…?
Prof. Esau Jean-Baptiste
younalot@yahoo.com