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Des héritiers sans héritages

 

Depuis 1804, les haïtiens débutent l’année civile avec la fête de l’Independence le premier jour de l’an, suivi du jour des aïeux le 2 janvier. Il y a de cela 10 ans, une nouvelle date moins gaie mais non moins sérieuse s’est inscrite dans notre histoire, le 12 janvier, avec un souvenir qui résonne lourdement et sombrement empaillé de douleur, synonyme de tremblement de terre et de disparition d’êtres chers. Pendant la décennie qui s’est écoulée depuis cet évènement terrible, nous avons écrit, parlé montre et démontré, à travers toute sorte de communication de sensibilisation entre autre, tous les angles tristes entourant ces quelques secondes qui nous ont mis à nu aux yeux du monde. Dix ans plus tard, il serait audacieux de dire que nous sommes prêts si un tel événement nous tombait dessus à nouveaux…tapons du bois !!

Il serait superflu de faire un flashback descriptif de ces funestes ondes élevées à 7.9 sur l’échelle de Richelet en guise de rappel comme on le fait depuis…Comment oublier que cela a gravement détruit le bâtiment de la première école féminine publique de tout le pays, le Lycée des jeunes filles. Les élèves sont sorties vivantes mais blessées et traumatisées. Nous avons entre temps trimé pour sa reconstruction qui tarde à n’en plus finir, cette école constitue pour nous un patrimoine à Relever. L’AMIALYCC, pour commémorer dans la sérénité ce jour qui a emporté nos 300.000 mille frères et sœur de tout âge et de tous secteurs de la vie nationale, invite la communauté des anciennes du LCC et tout le pays à réfléchir justement autour du mot qui devait attirer notre attention bien longtemps avant cet après-midi d’horreur et encore plus quand il est arrivé, c’est le terme « Héritage ».

L’héritage est un patrimoine qu’on tient de prédécesseurs, de générations antérieures sur le plan du caractère, de l’idéologie de la culture et des infrastructures. En somme ce mot vient à l’esprit non seulement pour désigner ce que les aïeux nous laissent, mais également pour étaler ce que nous léguons aux descendants. Nous commémorons les aïeux tous les 2 janviers, mais savons peu de qui ils étaient vraiment et ignorons même assez souvent les dangers qu’ils ont dû encourir et les nombreux sacrifices qu’ils ont faits pour nous doter d’un pays et d’une constitution qui font de nous une nation libre, souveraine, la première de son genre. Quel Glorieux passé !! Et quel message pour les générations futurs qui malheureusement ont enfuis la vraie valeur de cet exploit aux oubliettes avec lequel vient la responsabilité de chaque haïtien naissant ici ou ailleurs. Oui. Haïtien tu es né libre grâce aux efforts de ces aïeux que tu célèbres dans tes chants et dans tes livres, mais que fais-tu pour honorer cette victoire ? Et surtout, que laisses-tu de mieux après toi ? Comment l’histoire doit-il retenir ton passage sur cette terre ? Tes actions élèvent-elles l’âme de ce peuple pour améliorer son sort ou aggraves-tu ses périples ?

Depuis 1804 nombreux sont les gouvernements, les organismes, les entreprises, les associations les entités publics-privée- particuliers et les familles d’ici et d’ailleurs de tout genre qui se sont succédés sur ce morceau de terre, qu’ont-ils légués à Haïti ? Le trop plein d’égoïsme nous a concentré sur notre présent, nous avons refusé trop longtemps de regarder plus loin et avons par conséquent tous payer le prix. Nous avons tous perdu quelqu’un ou quelque chose ce 12 janvier parce que les moyens manquaient, les infrastructures manquaient, les bras manquaient, les expertises manquaient…s’il y a de bons hôpitaux, des casernes de polices et de pompiers bien équipées avec des gens formés pour sauver des vies, si l’éducation à un niveau standard se trouve disponible pour tous, si nos agriculteurs ont les moyens qu’il faut pour produire et pour que leur production desserve le pays et ailleurs, ce sera bon pour tous les haïtiens !! Nous sommes devenus des héritiers sans héritage tellement chacun pense à soi « Chak koukouj klere pou je’l ». Nous faisons profil bas, nous partons pour nous cacher ou luttons sans foi ni loi à corps perdu mais toujours dans l’idée de piller notre propre sang !! C’est un déshonneur à l’esprit bâtisseur de ce terroir. Nous avons gaspillé dix années, et la preuve en est bien grande que nous avons toujours l’impression de régresser et de regretter en bons nostalgiques amputés ce passé ou tout allait mieux…Sommes-nous devenus si incapable ?? La vie ici devient plus difficile à tous les niveaux chaque jour, et la question ne se pose plus mais se lit dans les regards : « A quand un changement ? ».

Quand reprendrons-nous les rails du progrès ? Quand pourrons-nous sortir sans avoir la peur au ventre métaphoriquement et littéralement ? Quand cesserons-nous de manquer de tout ? Quand ?? Lorsque nous arrêterons de penser que d’autres se soulèveront pour ramener le souffle de vie dans ce pays. Lorsque nous arrêterons de nous accuser les uns les autres de nous pointer du doigt les uns les autres mais de dire MOI je veux faire quelque chose aujourd’hui pour la génération de demain. Je vais construire un hôpital, je vais réunir des bras pour appuyer le système éducatif, je vais m’associer avec d’autres citoyens de bonne volonté pour offrir des services alimentaires nationaux de qualité à un prix réduit, je vais faire en sorte que les gens trouvent des endroits pour se recréer et respirer se baladant en toute sécurité. Quand chaque haïtien se sentira concerné par le sort d’Haïti et se mettra à faire ce qu’il faut pour changer le statu quo sans être obligé à prendre le pouvoir de gré ou de force, alors nous nous mettrons sur la route des bâtisseurs d’héritage. Beaucoup d’entre nous avons suffisamment travaillé pour nos intérêts mesquins, pensons à présent au bienêtre des filles et les fils de la première République noire, rêvons pour la gloire de la nation toute entière et travaillons pour que dans une prochaine décennie, la date du 12 janvier ne nous fasse plus peur, mais au contraire flatte notre prouesse d’avoir été ceux qui ont reconquit l’estime du souvenir des aïeux en rebâtissant des héritages pour les générations après nous. Haïtiens, courage, il ne suffit pas seulement de naitre pour exister, il faut aussi se cultiver à marquer son passage parmi les autres, il faut tout au moins laisser un bien après soi.

Avec l’AMIALYCC, on n’a pas la prétention de tout faire, de tout améliorer, de tout changer, mais nous avons décidé d’apporter notre contribution quelque part, avec la formation des jeunes filles et des projets pour une meilleure intégration des anciennes lycéennes dans la vie nationale pour commencer. Et si chaque grpupe d’haïtiens de chaque secteur faisait autant?
Rendez-vous dans dix ans !!

Marie Veline Aly Louissaint
Coordonnatrice Générale
Amicale des anciennes du Lycée du Cent-Cinquantenaire
(lycée des jeunes filles)
AMIALYCC@gmail.com

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Lovelie Stanley NUMA

Lovelie Stanley NUMA, Journaliste Écologique et PDG Impulse WebMedias. Coordonnatrice Générale de l'association dénommée "Collectif des Journalistes Haïtiens Engagés pour l'Environnement (CoJHEE). La voix des sans-voix. Le journalisme utile c'est ma passion. Je travaille également pour des médias internationaux.